BRANDO MARLON (1924-2004)
Né le 3 avril 1924 à Omaha (Nebraska), Marlon Brando Jr., rejeton turbulent d'un commerçant et d'une actrice amateur, connaît une vie scolaire mouvementée, couronnée par sa mise à la porte d'une école militaire. Sous l'influence de sa mère et de sa sœur aînée Jocelyn, également comédienne, il s'oriente vers l'art dramatique. Après un an de formation à la Dramatic Workshop, sous la houlette de Stella Adler, partenaire puis rivale du fameux Lee Strasberg, puis d'une expérience avec le metteur en scène d'avant-garde allemand Erwin Piscator, il débute à Broadway en 1944 dans la pièce à succès I Remember Mama de John van Drutten. Les rôles se suivent, et Brando y est régulièrement remarqué. Il crée notamment, avec Tallulah Bankhead, L'Aigle à deux têtes de Jean Cocteau, affiche prometteuse qui fut pourtant l'un des plus célèbres fiasco de l'histoire de Broadway.
Un élève de l'Actor's Studio
Le triomphe de la pièce Un tramway nommé Désir, en 1947, consacre l'avènement du dramaturge Tennessee Williams, confirme le metteur en scène Elia Kazan et fait de Marlon Brando une légende et un porte-drapeau : il y est à jamais Stanley Kowalski, brute épaisse étrangement séduisante en tee-shirt blanc couvert de sueur, qui trouble et terrorise à la fois la fragile et vieillissante Blanche Dubois (interprétée par Jessica Tandy puis Vivien Leigh). Il y impose avec éclat un jeu physique, convulsif, anticonventionnel, mais cependant réaliste, étrangement poétique en même temps que naturaliste, un jeu qui réunit tous les contrastes, tantôt sobre et tantôt flamboyant. Il va influencer la formation de l'acteur pour les décennies à venir : il est l'exemple le plus imposant de la méthode de formation, inspirée des idées de Konstantin Stanislawski et divulguée par Lee Strasberg à l'Actor's Studio.
En 1950, le réalisateur Fred Zinnemann, dont Les Anges marqués (The Search, 1948) interprété par Montgomery Clift vient de remporter un énorme succès, consacre cette nouvelle façon de jouer en faisant appel à lui pour C'étaient des hommes (The Men), où Marlon Brando compose le portrait à la fois saisissant et sensible d'un jeune militaire que la guerre a rendu paraplégique. Mais la gloire n'arrive que l'année suivante, avec Un tramway nommé Désir (A Streetcar Named Desire, 1951), porté à l'écran par Elia Kazan, où l'interprétation de Brando, violente, érotique, exacerbée par une caméra qui colle jusqu'à l'épiderme de l'acteur, provoque la même sensation qu'à la scène, mais cette fois à l'échelle universelle. Quelques années plus tôt, le personnage aurait été un « méchant » sans nuance : Brando, avec son tee-shirt savamment déchiré, fait de lui une icône érotique masculine inédite. Emblème d'une génération entière (il touche un public plus mûr que son contemporain James Dean), il vole de succès en succès, mêlant œuvres originales ou polémiques (Viva Zapata !, 1952 ; Sur les quais[On the Waterfront, 1954], tous deux d'Elia Kazan), classicisme rigoureux (le shakespearien Marc-Antoine dans Jules César[Julius Caesar, 1953], de Joseph L. Mankiewicz, où, malgré le « marmonnement » que certains lui reprochent, il manie en virtuose le verbe shakespearien) et calcul commercial (L'Équipée sauvage[The Wild One, 1953], de Laszlo Benedek ; Désirée, 1954, de Henry Koster, où il interprète le rôle de Bonaparte). Il s'essaye même à la comédie musicale : malgré des talents vocaux et chorégraphiques limités, son interprétation du séduisant joueur Sky Masterson dans Blanches Colombes et vilains messieurs (Guys and Dolls, 1955) de Joseph L. Mankiewicz, est irrésistible. L'originalité de son génie, l'imprévisibilité de ses choix autant que de son jeu, et la qualité de son travail[...]
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Écrit par
- Christian VIVIANI
: historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue
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