MARMOUSETS
Le nom de Marmousets, qui signifiait « petits vieux », fut ironiquement donné par le parti des princes aux anciens conseillers de Charles V rappelés au gouvernement par Charles VI, à sa majorité en mai 1389.
L'entourage politique de Charles V avait, pour une grande part, été composé d'officiers issus de la bourgeoisie ou de familles récemment anoblies. Ces gens, comme les Dormans, les Orgemont, les Bureau, les Braque ou les Le Mercier, étaient considérés par l'ancienne aristocratie comme des parvenus, et par le peuple comme des profiteurs. Ils étaient en fait le produit de la promotion sociale des juristes et des financiers, conséquence de la place de plus en plus grande tenue par les problèmes financiers et par les affaires juridiques dans le gouvernement. On peut à bien des égards les comparer aux « légistes » et aux autres conseillers de Philippe le Bel ; c'est pourquoi on a souvent parlé d'une seconde génération de légistes. En fait, les financiers, comme Le Mercier et Braque, jouèrent un rôle essentiel.
Ce que les princes voulaient tourner en ridicule, c'était donc le cheminement qui conduisait, par les études de droit et le service du roi, ou par le prêt au roi et la prise à ferme des revenus fiscaux, des marchands ou des fils de marchands aux plus hautes responsabilités. Mais cela cache une profonde rivalité à propos de l'usage du trésor royal, car les nouveaux venus étaient tout aussi avides que les princes. L'enrichissement des officiers royaux aux dépens de l'État n'était pas illusoire, et l'on s'explique que la noblesse ait pu, au temps de Jean le Bon déjà, se poser en réformatrice.
La minorité de Charles VI avait permis aux ducs, oncles du roi et maîtres du gouvernement, d'éliminer les conseillers de Charles V. Certains, comme le prévôt de Paris Hugues Aubriot, avaient même été emprisonnés. Le chancelier Pierre d'Orgemont avait dû démissionner et Jean Le Mercier s'éloigner de Paris. Certains reprirent place au Conseil, mais sans grand pouvoir. Le renvoi des ducs par le roi, en 1389, rendit leur influence à des conseillers comme Bureau et Le Mercier, auxquels il faut joindre — malgré bien des différences — le connétable Olivier de Clisson. Il y eut de nouvelles figures, comme le garde de la prévôté des marchands de Paris, Jean Jouvenel, neveu de Le Mercier.
La folie du roi, qui se déclara en août 1392, permit le retour au gouvernement des ducs de Bourgogne et de Berry, concurrencés cette fois par le jeune frère du roi, le duc Louis d'Orléans. Les Marmousets furent définitivement écartés.
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Écrit par
- Jean FAVIER : membre de l'Institut, directeur général des Archives de France
Classification
Autres références
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GUERRE DE CENT ANS
- Écrit par Jacques LE GOFF
- 4 443 mots
- 11 médias
En France, aussi bien Charles VI, appuyé par son frère Louis et les anciens conseillers de son père, les Marmousets, que les oncles du roi et les barons revenus au pouvoir après la folie du souverain regardaient vers d'autres horizons que les possessions anglaises : l'Italie, l'Empire, l'Europe orientale...