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MARQUE, marketing

Le défi du temps et le paradoxe de la marque

Le problème principal des marques est de savoir résister au temps. Comment défendre une marque, c'est-à-dire un repère précis, dans un environnement où tout bouge : la concurrence qui menace, les consommateurs dont les goûts évoluent, les distributeurs qui imitent vos produits et demandent une rémunération toujours croissante en échange d'une place dans leurs rayons ? Plus encore, comment assurer la pérennité de la marque en ne la coupant jamais des nouvelles générations de clients ?

Maintes entreprises vendent plusieurs marques sur un même marché : leur portefeuille de marques comporte des marques récentes et d'autres plus anciennes, voire de vieilles marques. Si ces dernières ne passionnent pas en général les jeunes managers, elles n'en représentent pas moins des chiffres d'affaires souvent très importants et des profits substantiels, liés à la fidélité des clients âgés. Ricoré est, par exemple, une des marques les plus rentables de Nestlé France. C'est une marque locale, très ancienne, mais dont le taux d'acheteurs fidèles est exceptionnel.

Pour acquérir son statut de repère, de contrat, la marque doit faire preuve d'une constance dans le temps : savoir rester intangible sur sa promesse initiale. Mais, en même temps, le marché ne cesse d'évoluer. Toute la difficulté se situe donc dans la recherche d'un équilibre entre l'identité et le changement. Là réside le paradoxe de la marque.

De nouveaux entrants fixent de nouveaux standards sur ce que la qualité veut dire. De nouveaux styles de vie émergent, que les acteurs principaux du marché ne prennent guère au sérieux avant de se rendre compte qu'ils ont laissé passer le coche. Rossignol et Salomon, symboles de l'olympisme et de la compétition, n'ont pas immédiatement perçu que les tribus de jeunes snowboarders accoutrés bizarrement préfiguraient une révolution dans tout le monde de la glisse, en opposition aux valeurs traditionnelles qu'ils portaient depuis des décennies. De nouveaux circuits de distribution ou d'accès aux consommateurs bousculent par ailleurs les traditionnelles chaînes de valeur et font surgir de nulle part des leaders inconnus : Dell, Amazon, etc. En permanence, il faut discerner ce qui est intouchable dans la marque (son noyau dur) et ce qui peut ou doit changer. Si le public se met à aimer le pamplemousse, peut-on fabriquer un Orangina qui ne soit pas à l'orange ?

Le fossé générationnel

Peu de variables sont aussi discriminantes que l'âge. Chaque tranche d'âge a une unité façonnée par le fait qu'elle a vécu les mêmes événements historiques, les mêmes joies, les mêmes problèmes. Or la transmission des us et coutumes se fait de plus en plus par ses pairs et non par sa famille. La conséquence en est que, désormais, les marques doivent elles-mêmes participer à l'apprentissage trans-générationnel. Toutefois, chaque génération se crée ses propres marques et rejette celles des générations antérieures. Il est donc nécessaire de développer un marketing à deux étages. Le client actuel est, certes, la source de profit immédiat. Mais il faut en même temps travailler à l'établissement de liens avec les générations nouvelles, sinon le futur est compromis. Yoplait a démontré sa modernité en lançant des yaourts à boire ou qui ne nécessitent plus de cuillère.

Mener ce combat sur deux fronts est difficile. La prospection des nouvelles générations dans leurs lieux de prédilection expose parfois à un accueil hostile. Il a ainsi fallu de la ténacité à la force de vente de Ricard lorsqu'il lui fut demandé de pénétrer les bars à thèmes, acquis aux alcools anglo-saxons ou tex-mex. Mais les résultats sont là. Loin d'être perçue comme une marque d'hier, la marque Ricard est prise au sérieux dans tous les lieux faiseurs de mode,[...]

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