MARSEILLAISE LA
Le chant de la résistance républicaine
Sous l’Empire (1804-1815), La Marseillaise est interdite, au profit du Chant du départ ou de Veillons au salut de l’Empire, un hymne révolutionnaire créé en 1791. La Marseillaise devient alors, et pour longtemps, un chant d’opposition. Sous la Restauration (1814-1830), conformément à la volonté de Louis XVIII de « renouer la chaîne des temps », elle est également proscrite. On lui préfère l’adaptation d’une vieille chanson intitulée Vive Henri IV, transformée en Le Retour des princes français à Paris, mais surtout Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ?, composé par André Modeste Grétry et écrit par Jean-François Marmontel.
Il faut attendre la révolution de 1830 pour voir La Marseillaise réapparaître dans un climat de romantisme politique : orchestrée par Berlioz, elle est chantée sur les barricades, non seulement en France, mais également dans d’autres villes insurgées d’Europe. Arrivé au pouvoir grâce à une révolution dont il redoute les excès, Louis-Philippe impose La Parisienne, qui célèbre le nouveau régime libéral et modéré plutôt que l’idéal de la nation en armes. Chantée par les républicains dont les révoltes de 1831 et 1834 ont été réprimées, La Marseillaise garde pourtant sa force de mobilisation. Plutôt que d’en être la cible, le pouvoir préfère donc finalement en capter l’énergie : en 1836, c’est une Marseillaise de pierre que sculpte François Rude sur l’Arc de triomphe pour brosser l’allégorie du peuple français, dans un contexte d’essor des nationalismes en Europe et de la colonisation algérienne. Marquées par un esprit fraternel et universaliste, les révolutions de 1848 se traduisent par un retour du chant de 1792. Pourtant, l’avènement de la IIe République ne rompt pas la méfiance envers sa radicalité : écrit en l’honneur des adversaires malheureux des Montagnards en 1793, Le Chant des Girondins lui est souvent préféré.
Une nouvelle fois interdite sous le second Empire, La Marseillaise fait pourtant sa réapparition à la fin des années 1860, lorsque le conflit avec la Prusse devient de plus en plus probable. Déclinée sous les noms de Fécampoise, de Lilloise ou de Lyonnaise, elle joue ainsi, comme en 1792, un rôle de mobilisation, mais dans une ambiance nationaliste bien plus exacerbée.
Officiellement promue après la déclaration de guerre (19 juillet 1870), elle est chantée à l’Opéra de Paris et fait son retour sur les champs de bataille. Opportunément stimulée par le pouvoir impérial, la mémoire sonore des républicains n’était qu’en sommeil : très vite, les chansonniers profitent de cette ouverture et rivalisent d’imagination dans chaque région. Après la proclamation de la IIIe République, le pouvoir versaillais la met rapidement à distance. Sous la Commune, au printemps de 1871, elle est entonnée par certains fédérés, dans le double sens qu’a pris l’hymne depuis le début du siècle : un chant de résistance à la fois contre le pouvoir intérieur (les Versaillais et leur répression) et contre le pouvoir extérieur (les occupants prussiens). La même année, le premier texte de L’Internationale est écrit sur l’air de La Marseillaise, bien avant que Pierre Degeyter n’en compose la musique définitive en 1888. Si les anarchistes et les internationalistes la critiquent pour ses accents nationalistes et guerriers, ainsi que pour son caractère propagandiste, La Marseillaise continue de constituer une référence politique et affective dans les milieux ouvriers. Mais, dans ses premières années, la IIIe République, dominée par les monarchistes, continue de se méfier de l’évocation des radicalités révolutionnaires. Pour l’Exposition universelle de 1878, le président Mac-Mahon, monarchiste, choisit de promouvoir Vive la France, composé par Charles Gounod sur des paroles de Paul Déroulède[...]
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Écrit par
- Guillaume MAZEAU : maître de conférences en histoire moderne à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Médias
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