MARSEILLAISE LA
Un hymne national disputé
Malgré les oppositions monarchistes, La Marseillaise devient officiellement hymne national le 14 février 1879. C’est le bon moment : le chant s’installe dans le paysage sonore officiel d’une République qui, dans son décorum et ses nombreux rituels, rêve de s’enraciner dans le quotidien, en particulier à partir de 1880, lorsque le 14 juillet est choisi comme jour de fête nationale. En 1882, la ville natale de Rouget de Lisle érige une statue en son honneur. La version officielle de l’hymne est adoptée en 1887 par le ministère de la Guerre et, en 1889, lors du centenaire de la Révolution puis lors de l’Exposition universelle de 1900, La Marseillaise devient le chant par excellence de la République française telle qu’elle se présente au monde.
Outil du consensus républicain, La Marseillaise doit perdre ses connotations révolutionnaires, mais être interprétée avec ferveur et obéissance. Chanter le refrain devient une forme de prestation de serment au régime. De plus en plus considérée comme le chant officiel d’une citoyenneté inculquée par le biais d’un roman national, La Marseillaise est certes encore souvent chantée dans les mouvements ouvriers, mais ceux-ci cherchent d’autres sons fédérateurs. Ils ressuscitent la Carmagnole avant de trouver dans L’Internationale les paroles de la radicalité et du ralliement universel : au début du xxe siècle, celle-ci s’impose réellement dans les organisations ouvrières et les congrès socialistes. Délestée de sa charge critique, La Marseillaise devient un élément central de la pédagogie républicaine : en 1911, le ministre de l’Instruction publique rend son apprentissage obligatoire à l’école.
Pendant la Première Guerre mondiale, elle est un des instruments privilégiés de l’« Union sacrée » et de la propagande qui l’entoure. Le 14 juillet 1915, les cendres de Rouget de Lisle sont transférées aux Invalides. La dimension émancipatrice de La Marseillaise s’efface complètement derrière les accents combattants : le président Raymond Poincaré célèbre ainsi le « cri de vengeance et d’indignation d’un peuple qui non plus qu’il y a cent vingt-cinq ans ne pliera le genou devant l’étranger ». Au lendemain de la guerre, la radicalisation politique et l’essor du communisme mettent une nouvelle fois La Marseillaise sous le feu des critiques, même si en Russie, lors de la révolution d’octobre 1917, les bolcheviks en ont fait un de leurs hymnes, avant d’adopter L’Internationale. En 1931, c’est en partie au son de La Marseillaise que la IIe République est proclamée en Espagne. En France, s’il est honoré par les anciens combattants et par la Chambre « bleu horizon », l’hymne est de plus en plus revendiqué par les ligues patriotiques et par la droite nationaliste, qui le chante lors de l’émeute du 6 février 1934. Les communistes français s’en détournent alors avec encore plus de force.
Mais en 1936, le Front populaire incite ces derniers à refuser désormais que les symboles venus de la Révolution française soient ainsi détournés. Le 27 juin 1936, Maurice Thorez affirme : « La Marseillaise a exprimé et exprimera toujours, comme L’Internationale, la grande cause de l’émancipation humaine. » Un des symboles de cette renaissance, c’est le film La Marseillaise de Jean Renoir (1938), relatant les débuts de la Révolution française du point de vue de modestes Marseillais. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les antagonismes anciens ressurgissent : l’hymne est prohibé par le régime de Vichy, dont la « révolution nationale » préfère Maréchal, nous voilà !… même si, en zone Sud, les deux chants cohabitent de fait. Si le Chant des partisans, composé en 1943, deviendra par la suite l’hymne des résistants, La Marseillaise est régulièrement chantée dans le maquis, avant de s’imposer lors de la libération[...]
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Écrit par
- Guillaume MAZEAU : maître de conférences en histoire moderne à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Médias
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