MARSEILLE ANTIQUE
Une emprise croissante sur des territoires indigènes
Silencieuses sur l'histoire de Marseille à l'époque classique, les sources littéraires mentionnent le siège de la ville par le chef gaulois Catumandus, vers 390 avant J.-C. Les Marseillais repousseront l'attaque, mais il est clair que la colonie phocéenne, implantée en pays barbare, dut faire face aux menaces d'un environnement hostile. Silius Italicus, à la fin du iiie siècle avant J.-C., montre la cité grecque « entourée de tribus arrogantes et terrifiée par les rituels sauvages de leurs voisins barbares ». Par besoin de sécurité, pour protéger son commerce et favoriser son développement, Marseille, au moment où Pythéas visite les pays nordiques vers la fin du ive siècle, se constitue lentement un domaine par la force. Son territoire primitif était limité à la plaine située dans le voisinage de la cité, surveillé par des postes fortifiés, dont le plus important était celui de Saint-Marcel, à 8 kilomètres de la ville. Poussée par un réflexe de sécurité, plus que guidée par une volonté d'expansion, Marseille contrôla au cours du ive siècle la côte de l'Estaque, l'étang de Berre, avant de s'étendre au-delà vers Saint-Blaise. Elle fit ensuite la conquête des chaînes de Vitrolles et de l'Étoile.
À la fin du iiie siècle avant J.-C., elle étend encore son emprise en contrôlant jusqu'à la plaine du bas Rhône. Son influence sur les territoires qui l'entourent va ainsi croissant. Elle procure à ses voisins de nombreux biens de consommation et exporte en Méditerranée près de 10 000 hectolitres de vin par an au cours du ive siècle avant J.-C. Bien que manifestant une certaine résistance, les milieux indigènes s'ouvrent peu à peu à la culture grecque. Comme le montre une inscription gravée sur une coupe du iiie siècle avant J.-C. trouvée à Martigues (musée municipal de la ville), on commence à noter la langue gauloise en lettres grecques.
Dès la fin du vie siècle, Marseille s'inscrit dans un vaste périmètre urbain dont les limites se trouvent à l'est dans le secteur du quartier moderne de la Bourse. Les fouilles menées là dès 1967 ont démontré que les Marseillais ont reconstruit leur rempart durant la seconde moitié du ive siècle. Au nord de cet ensemble fortifié s'étend une nécropole comme l'attestent deux enclos funéraires, dont le « monument à triglyphes bas ». Les tombes à incinération découvertes éclairent les pratiques funéraires d'une cité aristocratique, de tempérament conservateur, où les deuils se supportèrent toujours avec une retenue exemplaire. Les Marseillais étaient connus pour leurs mœurs austères et leur fidélité à leur passé ionien. Leurs maisons, dit la tradition, étaient couvertes de toits de chaume. Cela n'est pas certain, car l'on connaît toujours mal l'habitat et les monuments de la Marseille grecque, malgré la fouille de la rue des Pistoles dans le secteur du Panier, l'exploration des thermes de la rue Leca et le chantier de l'îlot des Phocéens. Là, un ensemble cultuel qui ne sera abandonné qu'au iie siècle de notre ère intrigue. Dans l'une des deux pièces au sol en opus signinum (mortier de chaux et de sable), fut apposé en tesselles de mosaïques et de galets le mot grec chaire, « bienvenue », suivi d'un cercle. Une fouille près de la cathédrale a révélé un superbe chapiteau ionique en calcaire local provenant sans doute d'un monument funéraire ou votif élevé au iie siècle avant notre ère. Une intense activité artisanale – et tout particulièrement celle des potiers – anime toute la butte des Carmes. Une inscription dans ce secteur fait état d'une dévotion à Zeus Patrôos, le dieu des familles. Mais ces découvertes ne sauraient compenser notre ignorance sur les temples de la Marseille grecque. Seul[...]
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Écrit par
- Hervé DUCHÊNE : professeur émérite d'histoire ancienne, université de Bourgogne, Dijon
Classification
Média
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