MARSEILLE ANTIQUE
Quand César assiégeait Marseille
L'ambition de César brisa tout. Le héros de la guerre des Gaules franchit le Rubicon en janvier 49 et marche sur Rome contre Pompée qui s'enfuit en Grèce. Il s'empare de la ville, conquiert l'Italie en deux mois et va occuper l'Espagne qui soutient son rival. Sur son chemin se trouve Marseille. La cité manifeste son désir de rester neutre ; elle a honoré également du titre de patron les deux adversaires. Reste que l'aristocratie locale penche pour Pompée, qui représente la légalité sénatoriale et dont la réputation de commandant en chef est immense. Marseille parie sur la défaite de César. Elle accueille la flotte de Domitius, un partisan de Pompée, et se prépare à l'éventualité d'un siège, en amassant blé et provisions. César se défend d'avoir pris l'initiative du conflit ; forcé de réagir à la duplicité des Marseillais, il donne ordre à son légat Trebonius de construire des tours pour donner l'assaut à la place. La suite des événements est connue par trois récits : ceux du poète Lucain, de l'historien et compilateur Dion Cassius et de César lui-même.
Pendant que les constructions du siège avancent, César fait mettre en chantier à Arles douze navires de guerre. Achevés en un mois, ils vont mouiller aux abords de l'île du Frioul et condamnent les Marseillais à un blocus maritime. Pour le briser, ces derniers mènent une sortie avec toutes leurs forces. Faute d'espace, ils doivent combattre à l'abordage, sans pouvoir faire la différence avec l'ennemi par leur habileté à manœuvrer. Marseille perd neuf navires, soit plus de la moitié de sa flotte de guerre. Le blocus est maintenu.
À terre, le siège se prolonge. Le camp romain se fixe sur la butte Saint-Charles, « ce tertre qui, selon les mots de Lucain, s'étale en un petit plateau ». Toutes les opérations se concentreront au nord et à l'est de Marseille. César cherche en effet à enfermer toute la ville du côté de la terre ferme. Pour ce faire, il a établi, le long des remparts marseillais, une tranchée fortifiée jalonnée de tours. Sa réalisation a demandé de porter atteinte à une « forêt sacrée » qui pourrait se situer sur la colline de l'actuelle Notre-Dame-de-la-Garde, ou plus loin près de Gémenos, voire à la Sainte-Baume. Quoi qu'il en soit, du fait de la résistance marseillaise, le rempart tient bon. Le combat décisif aura lieu sur mer. Une flotte de secours envoyée par Pompée a fait sa jonction avec les forces navales des assiégés, près de Tauroentum (Six-Fours). Elle est défaite par Domitius Brutus qui s'est porté à sa rencontre, à la fin de juillet 49.
Tout le récit de César, maître dans l'art de la déformation historique, est orienté de façon à transformer la reddition attendue d'une Marseille isolée en une immense et glorieuse victoire. La chronique de la Guerre civile brouille les perspectives, en rendant compte simultanément des opérations contre les armées pompéiennes en Espagne et du combat contre Marseille. On en oublie presque quand le siège a commencé, en avril ou mai 49, et combien de temps il a duré. Tout s'est joué en quelques mois. L'épisode marseillais est terminé dès septembre au retour de César. Il s'est d'ailleurs conclu par une « loyale capitulation » et non par la prise de la ville.
Reste que Marseille a subi une défaite. Elle est écrasante. Pour Strabon, qui écrit au début de l'époque impériale, elle a fait perdre à la cité « le plus clair de sa prospérité » (Géographie). Les Marseillais ont choisi le camp du vaincu. Leur erreur de calcul ne doit pas empêcher de reconnaître qu'ils sont restés fidèles à eux-mêmes. Ils ont voulu demeurer une cité grecque ; ils ont pris, pour cette raison, le parti de celui que toute la Grèce soutenait. Brusquement déchue, Marseille[...]
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Écrit par
- Hervé DUCHÊNE : professeur émérite d'histoire ancienne, université de Bourgogne, Dijon
Classification
Média
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