MARSEILLE ANTIQUE
Marseille sous l'Empire
En préférant Pompée à son adversaire, Marseille avait pris un mauvais parti. Mais elle ne s'était pas révoltée contre le pouvoir romain. Elle n'avait pas rompu le traité qui la liait à Rome. César se montra, pour cette raison, aussi indulgent qu'il le pouvait. Il ne détruisit pas la ville, qui conserva ses remparts et dont les habitants ne furent pas réduits en esclavage. Marseille fut cependant privée de son domaine terrestre. Arles, qui avait contribué à la victoire césarienne, le reçut, ce qui contribua à son développement sous l'Empire. Mais les privilèges consentis à cette voisine devenue rivale n'ont pas empêché Marseille de profiter des avantages que lui donnait sa position maritime. Elle continua de tirer revenu des droits de douane sur les marchandises débarquées sur ses quais pour entrer en Gaule, comme le prouve une inscription du iiie siècle découverte en 1990. Elle tira habilement parti de son statut. Elle était en effet, selon le mot de Pline, « cité fédérée ». Conservant son organisation traditionnelle, elle n'était pas une colonie latine comme Aix, ni une cité latine comme Apt. Elle était une cité « pérégrine », c'est-à-dire étrangère, hors du système militaire et institutionnel romain. Le traité d'alliance avec Rome consacrait la situation de dépendance des Marseillais, mais il leur garantissait une série de droits, comme celui de ne pas être soumis à l'impôt et de pouvoir défendre leurs affaires devant les tribunaux romains.
Privée de son territoire, Marseille s'appliqua à mettre en valeur sous l'Empire ce qui lui restait : son port. Dès l'époque d'Auguste, les installations portuaires sont remaniées et améliorées. Au pied des remparts, là où se trouve aujourd'hui le Jardin des vestiges, la corne orientale fut approfondie et entourée d'un quai en pierre de taille. Un bassin recueillit les eaux douces pour permettre aux navires de s'approvisionner plus commodément. Du côté de l'actuelle mairie, au musée des Docks romains, subsistent les vestiges de grands entrepôts. Construits au ier siècle de notre ère et utilisés jusqu'au iiie, ils abritent des dolia, de grandes jarres ayant jusqu'à 2 mètres de profondeur. Poissés à l'intérieur, ces conteneurs sont à mettre en relation avec le commerce du vin. La cité phocéenne exporte toujours dans ses amphores un cru de qualité qu'elle continue à produire en petite quantité et que célèbre le poète Martial, mais à l'époque impériale elle distribue surtout du vin en vrac venu d'Italie. Le déclin du négoce marseillais semble cependant s'amorcer au iiie siècle ; le trafic portuaire se replie alors dans l'actuel Vieux Port.
Paradoxalement, le siège de César devint peu à peu pour Marseille un titre de gloire, aussi important que le souvenir de sa fidélité à l'alliance romaine. La défaite témoigne d'un esprit de résistance. Vitruve s'en fait l'écho dans son traité De l'architecture : il fait de Marseille un exemple de « ces villes qui peuvent se défendre efficacement ». Comme si elle n'avait pas été prise ! Marseille entretient par ailleurs une bonne réputation parce qu'elle est une ville de culture. Malgré la concurrence d'Autun, et jusqu'au ive siècle, les écoles marseillaises jouent un rôle important dans la formation de la jeunesse gauloise et de l'élite romaine. On prétend que Pétrone, l'auteur du Satyricon, a fait ses études à Marseille, mais il est sûr que le sage Agricola, le beau-père de Tacite et le conquérant de la Bretagne, ne tarissait pas d'éloges sur ses maîtres marseillais. Le rayonnement intellectuel de la cité phocéenne sous l'Empire est enfin associé au nom de deux médecins ayant fait carrière à Rome : Charmis et Crinas. Le[...]
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Écrit par
- Hervé DUCHÊNE : professeur émérite d'histoire ancienne, université de Bourgogne, Dijon
Classification
Média
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