Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FICIN MARSILE (1433-1499)

« De toutes les influences intellectuelles qui devaient agir, en Italie et au-dehors, pendant la Renaissance, la plus forte a été sans doute celle de Marsile Ficin », déclare A. Rivaud dans son Histoire de la philosophie.

Alors que les tout proches maîtres padouans prônent Aristote, lu dans la version averroïste, Ficin en dénonce le matérialisme et le panthéisme larvé, et se déclare en revanche convaincu qu'« avec quelques changements, les platoniciens seraient chrétiens » (prologue de la Théologie platonicienne). C'est du reste surtout par la version latine de Ficin que le xvie et le xviie siècle connaîtront Platon et c'est aussi son exégèse qui imposera longtemps une image du platonisme proche de la philosophie alexandrine.

Dépassant l'humanisme littéraire des générations passées, se défiant du « scientisme » naissant qui n'invoque ni Platon ni Aristote mais Archimède, ce sage, citoyen de Florence, contemporain de Nicolas de Cues, de Machiavel, du prodigieux Pic de La Mirandole, de Léonard de Vinci, retourne aux « choses antiques » et élabore une sorte de religion naturelle qui ignore l'inquiétude du péché et se tend tout entière vers la recherche d'un salut qui a nom sérénité.

Platon pour disposer au christianisme

Issu d'une famille de médecins, Marsile (qui changera en Ficino le nom de Diotefici) est né à Figline, entre Arezzo et Florence. Ayant étudié la grammaire, la médecine et la théologie, il commence, en 1456, l'apprentissage du grec. Cosme de Médicis met à sa disposition, en 1462, la villa de Careggi pour en faire une sorte d'Académie platonicienne. Prêtre, en 1473, chanoine à la cathédrale de Florence, en 1487, il bénéficie des avantages financiers liés à cette fonction. Après la mort de Laurent, dit le Magnifique, lorsque Charles VIII, accueilli par Savonarole, chasse les Médicis (1494), Marsile se retire prudemment à la campagne et ne revient à Florence que pour y mourir.

Traducteur du Poimandres pseudo-hermétique (1463), des dialogues de Platon (1469), des Ennéades de Plotin et de plusieurs traités néo-platoniciens (1484-1492), de la Théologie mystique et des Noms divins du Pseudo-Denys (1492), outre d'importants commentaires, Ficin a écrit un traité sur le Plaisir (1457), la Théologie platonicienne et la Religion chrétienne (achevées en 1474), une étude psycho-médicale sur La Triple Vie (1489) et un grand nombre de lettres qu'il fit imprimer en partie de son vivant (1495).

Ange Politien, fresque de C. Rosselli - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Ange Politien, fresque de C. Rosselli

Son élève Ange Politien (1454-1494), traducteur de l'Iliade, définit la « Renaissance », dont Ficin est en son temps le plus célèbre interprète, comme une véritable « résurrection ». Burdach a bien vu cependant que c'est une idée fort ancienne, que le Moyen Âge n'a aucunement ignorée et qui se lie à la régénération baptismale. Marsile parle lui-même de sa « deuxième naissance » grâce à son « père » Cosme qui lui révèle Platon et, par lui, fait « ressurgir l'antique Académie », comparée par Politien à Eurydice rappelée des Enfers et remontant à la lumière. Unissant la sagesse à l'éloquence, Florence inaugure un nouveau siècle d'or dans tous les domaines : grammaire, poésie, peinture, architecture, musique, art militaire. Mais, pour Ficin, ce retour à la vie est d'abord une théologie, c'est-à-dire une connaissance de l'âme immortelle et de sa destinée, fondée sur des « raisons platoniciennes ».

À l'origine de cette vocation il faut situer la rencontre de Cosme de Médicis avec Gemiste Pléthon, en 1439, lors du Concile d'union (Ferrare, puis Florence) entre les Églises latine et grecque. Parmi les Byzantins, Pléthon représentait à la fois l'adversaire d'Aristote (dans son traité des Différences, composé à Florence[Patrologie grecque, Migne, t. CLX], il souligne pour les[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-I
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Média

Ange Politien, fresque de C. Rosselli - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Ange Politien, fresque de C. Rosselli

Autres références

  • LE BANQUET, Platon - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 992 mots
    • 1 média
    La postérité du Banquet doit beaucoup à sa traduction latine par le Florentin Marsile Ficin (1433-1499) et surtout au Commentarium in Convivium Platonis de amore qui l'accompagnait, publié en 1484. Le Commentaire fixe les grands thèmes d'une « théologie platonicienne » accordée au christianisme...
  • HERMÉTISME

    • Écrit par
    • 4 971 mots
    • 1 média
    C'est en 1460 environ qu'un moine apporta de Macédoine à Florence un manuscrit du Corpus Hermeticum. En 1463, Cosme de Médicis demanda à Marsile Ficin de le traduire en latin, et ce avant même de traduire Platon. Dans la Préface à sa traduction, Ficin, se référant à saint Augustin, fait d'Hermès...
  • MICROCOSME ET MACROCOSME

    • Écrit par
    • 4 283 mots
    • 1 média
    ...décider s'il veut s'égaler au héros ou au pourceau. Dans sa Théologie platonicienne (Theologia platonica, 1482 ; trad. R. Marcel, Paris, 1964-1965), Marsile Ficin décrit avec enthousiasme les puissances de l'âme. Celle-ci n'imite plus passivement le macrocosme, mais elle se définit par ses capacités...
  • ART ET HUMANISME À FLORENCE AU TEMPS DE LAURENT LE MAGNIFIQUE, André Chastel - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 018 mots
    • 1 média
    ...mages), figures de l'esprit et de la poésie (Pallas et les Muses), figures de la beauté et de l'amour, éléments clés de la « mystique » néo-platonicienne. André Chastel extrait des textes ficiniens les éléments d'une philosophie du beau et de l'art qui se diffusèrent dans la société florentine sous des formes...