ARGERICH MARTHA (1941- )
Rien ne semble pouvoir contraindre la pianiste argentine Martha Argerich à plier sa vie personnelle et professionnelle aux normes communément admises. Dotée de moyens hors du commun et d'une aisance instrumentale qui défie l'entendement, elle fascine et déconcerte tout à la fois. Imprévisible, elle annule ses concerts au dernier moment, ou en modifie sans préavis le programme. Cauchemar et providence des organisateurs – qui se battent pour l'attirer –, son nom seul suffit à remplir les salles d'une foule enthousiaste, conquise à l'avance. Sous le charisme triomphant et la fougue d'un tempérament de feu se cache pourtant une personnalité inquiète, pudique, qui se remet sans cesse en question et n'aime guère parler d'elle. Martha Argerich revendique bien haut une totale indépendance afin de suivre en toute liberté l'inspiration du moment et privilégie une approche très instinctive de la musique.
Martha Argerich naît à Buenos Aires le 5 juin 1941. Véritable enfant prodige du piano, elle se produit dès l'âge de quatre ans. Son premier professeur, Vicente Scaramuzza – qui aura également pour élève Bruno Leonardo Gelber –, développe sa musicalité naturelle et l'aide à élaborer une technique de haut vol. En 1949 – elle n'a que huit ans –, elle est capable d'enchaîner en public le Premier Concerto pour piano de Beethoven, le Vingtième Concerto pour piano K 466 de Mozart et la Suite française BWV 816 de Bach. Nantie d'une bourse de l'État argentin, elle gagne l'Europe avec sa famille en 1955. Elle travaille alors à Genève avec Madeleine Lipatti et Nikita Magaloff, ainsi qu'à Vienne, avec le très contestataire et contesté Friedrich Gulda. En 1957, à quelques semaines d'intervalle, elle remporte le premier prix du Concours international de piano Ferruccio Busoni de Bolzano et le premier prix « femmes » – le premier prix « hommes » étant décerné à Dominique Merlet devant Maurizio Pollini, ce qui situe le niveau de la compétition cette année-là – du Concours international d'exécution musicale de Genève, qui comportait à l'époque ces deux catégories. Un premier disque fulgurant (1961) révèle, de Chopin et Liszt à Ravel et Prokofiev, un véritable « fauve » du clavier. Mais, après avoir mis au monde un premier enfant, elle se retire de la scène pendant quatre ans. Stefan Askenase et Arturo Benedetti Michelangeli – ce dernier de manière assez lointaine – achèvent sa formation.
L'existence de Martha Argerich connaîtra les vicissitudes qui sont le lot des caractères passionnés : elle aura quatre époux, parmi lesquels le chef d'orchestre Charles Dutoit et le pianiste Stephen Kovacevich. Elle effectue un éclatant retour en 1965, quand elle triomphe au Concours international de piano Frédéric Chopin de Varsovie, où elle décroche à la fois le premier prix, le prix du public ainsi que celui de la meilleure interprétation d'une Mazurka. Un concert au Lincoln Center de New York et un éblouissant enregistrement du Troisième Concerto pour piano de Prokofiev avec l'Orchestre philharmonique de Berlin sous la direction de Claudio Abbado (1967) marquent le véritable début de sa carrière internationale. Malgré un succès qui ne se dément pas, Martha Argerich réalise assez peu d'enregistrements en studio – par refus de se laisser enfermer dans des contrats d'exclusivité et par volonté de rester entièrement maîtresse de ses choix –, l'essentiel de son legs discographique étant pris sur le vif. Elle ne retient qu'un nombre réduit de concertos qui appartiennent tous au grand répertoire : Beethoven (les trois premiers uniquement), Chopin, Liszt, Schumann, Tchaïkovski, Rachmaninov, Prokofiev et le Concerto en sol de Ravel, dont elle est l'une des meilleures interprètes. Pourtant, les plus grandes[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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