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GRAHAM MARTHA (1894-1991)

La grande prêtresse de la danse moderne

L'arrivée, en 1938, du premier danseur dans sa troupe, Eric Hawkins (1909-1994), qu'elle a rencontré au cours des sessions d'été à Bennington College et qu'elle épousera en 1948, avant de divorcer de lui en 1950, accentue la violence expressive de ses chorégraphies. Au cours de l'été de 1939, Martha Graham rencontre Merce Cunningham à San Francisco. Frappée par ses qualités, elle l'invite à se joindre à sa compagnie dans laquelle il demeurera de 1939 à 1944.

À la fin des années 1930, Martha Graham a déjà créé cinquante pièces chorégraphiques. Sa renommée va croissant. La dimension théâtrale prend une nouvelle importance. Elle revisite les grands mythes grecs, point de départ, à travers de grandes figures mythologiques, d'un approfondissement des tourments de l'âme humaine et d'un développement de sa vision du féminin : Ariane (Errand into the Maze, musique de Gian Carlo Menotti, 1947), Médée (Cave of the Heart, musique de Samuel Barber, 1946), Jocaste (Night Journey, musique de William Schuman, 1947), Clytemnestre (Clytemnestra, musique de Halim El-Dabh, 1958). Elle porte ces personnages, à la charge érotique presque effrayante, à leur point d'incandescence.

À partir des années 1950, Martha Graham tourne dans le monde entier où elle est reçue triomphalement. En 1955, Bethsabée de Rothschild lui apporte son soutien financier, tant pour subventionner ses nouvelles créations que pour faciliter la diffusion de son enseignement à travers son école. Au début de 1959, Martha Graham accepte de collaborer avec George Balanchine (1904-1983) pour Épisodes, une œuvre en deux parties dansées successivement par la compagnie Graham (Part I) et le New York City Ballet (Part II).

Le 20 avril 1969, Martha Graham paraît en scène pour la dernière fois. Elle interprète Lady of the House of Sleep (musique de Robert Starer, 1968), Time of Snow (musique de Norman Dello Joio, 1968) et Archaïc Hours (musique de Eugene Lester, 1969), mettant ainsi un terme à cinquante-trois ans de carrière de danseuse. Elle confie ses rôles à de jeunes danseuses qu'elle a choisies, avant de sombrer dans une dépression due à l'abandon de la scène. En 1973, elle reprend sa compagnie en main et trouve un nouveau souffle dans ses créations chorégraphiques. Elle reprend dans un nouveau contexte sa dénonciation du puritanisme américain, du matérialisme et de la guerre. Son succès ne faiblit pas. En 1975, elle crée Lucifer pour Rudolf Noureev (1938-1993) et Margot Fonteyn (1919-1991). En 1984, par un juste retour des choses, Noureev l'invite avec sa compagnie à l'Opéra de Paris : une première historique à l'époque où les compagnies modernes ne se produisaient pas dans le cadre de cette institution. La même année, elle crée enfin « son » Sacre du printemps. Pour cette œuvre, elle a choisi de s'inspirer d'un rituel mexicain où les danseuses portent aux chevilles les bracelets de Xochitl. Avec ce retour aux sources, Martha Graham signe l'une de ses dernières œuvres majeures. Elle n'en continue pas moins de créer une œuvre par an jusqu'à son décès, le 1er avril 1991. Sa dernière œuvre, restée inachevée, The Eyes of the Goddess, est créée par la compagnie Graham le 10 octobre 1991. Au cours de la même soirée, le danseur étoile Mikhaïl Barychnikov (né en 1948) se produisit, pour la quatrième fois de sa carrière, dans El Penitente (œuvre qu'elle créa en 1940). D'une durée de 14 minutes, l'ultime chorégraphie de Martha Graham, au titre assez ironique (puisqu'on peut le traduire par « L'Œil de la prêtresse », surnom donné fréquemment à la danseuse tant dans son acception laudative que péjorative), s'inspire du baroque hispanique. Conçue en collaboration avec le sculpteur espagnol Marisol, elle met en scène l'une des métaphores favorites de Martha[...]

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Écrit par

  • : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse

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Média

Martha Graham - crédits : Soichi Sunami/ Hulton Archive/ Getty Images

Martha Graham

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