MARTIAL RAYSSE (exposition)
Une unité nouvelle
Le parti pris de l’accrochage de la rétrospective du M.N.A.M. en 2014 était strictement chronologique, mais on n’en imagine pas de meilleur pour rendre compte d’une carrière aussi complexe, et apparemment discontinue, que celle de Martial Raysse. Le visiteur était accueilli par les grands collages peints du début des années 1960 (La France verte,Soudain l’été dernier, 1963), la seconde version, exposée dans la galerie Iolas, du Raysse Beach initialement conçu pour le Stedelijk Museum d’Amsterdam en 1962, puis par les pastiches fluorescents d’Ingres, du Tintoret, de Cranach (Conversation printanière, 1964, venu de la collection François Pinault comme nombre d’œuvres présentes à l’exposition) et les premiers tableaux utilisant le néon (About Neon[Obelisk II], 1964). L’abondance des prêts consentis par les collections privées et publiques permettait de prendre la mesure de cette période de Martial Raysse que l’on continue de rattacher, non sans raison, au pop art américain. Les trois salles dévolues à cette partie de l’œuvre s’achevaient sur la reconstitution, jamais tentée auparavant, de la grande installation présentée à Munich en 1971, Oued Laou (lettres et formes simples illuminant les parois intérieures d’un vaste dôme de bâche plastifiée) et la présentation des premiers films de l’artiste (Homero Presto, 1967 ; Camembert Martial extra-doux, 1969...).
La transition avec les périodes postérieures était adroitement assurée par la projection sur grand écran du seul long-métrage de Raysse, tourné également en 1971 et intitulé Le Grand Départ (au générique, deux vedettes : Sterling Hayden et Anne Wiazemsky). Réalisé en négatifs couleurs, il apparaît bien davantage comme un film psychédélique expérimental que comme le récit épique qu’il est pourtant. Dans le titre, le public pouvait lire ou entendre dès lors non pas tant grand que nouveau départ, et, passé l’écran, découvrait les séries exposées à partir de 1973 (Coco Mato, Loco Bello, Spelunca) sans avoir le sentiment d’une rupture, mais plutôt celui d’un recommencement. De fait, si les peintures des années 1970, 1980 et 1990 (Le Minotaure, 1977 ; L’Enfance de Bacchus, 1991 ; Le Carnaval à Périgueux, 1992) témoignent d’un certain assourdissement de la palette de Raysse, alors à la recherche de nouveaux motifs dans les ressources de la mythologie antique, de l’iconographie populaire ou religieuse, on voyait clairement, au sein de l’exposition, réapparaître les couleurs fluorescentes des débuts dans les grandes compositions des années 2000 (Poisson d’avril, 2007 ; Iciplage, comme ici-bas, 2012), comme si un cycle se bouclait. Était ainsi mise en évidence la cohérence d’un parcours dont on perçoit d’abord, souvent, le caractère disparate ou déroutant. Si les œuvres des années 1960 ont fait l’unanimité dans la presse, celles des années 2010 ont suscité des réserves : on a salué l’audace et le souffle des nouvelles toiles burlesques aux couleurs vives, en tempérant cependant presque toujours ce salut d’un bémol prudent...
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Écrit par
- Didier SEMIN : professeur à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris
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