MARTIN EDEN, Jack London Fiche de lecture
Un roman politique
La réaction de la critique américaine surprit Jack London. Il s'attendait, certes, à des reproches dus à sa peinture critique de la bonne société. Mais la plupart des comptes rendus, y compris ceux de la presse socialiste, virent dans le roman un éloge de l'individualisme et une condamnation du socialisme. Or London condamnait l'individualisme : « Je voulais montrer qu'un homme ne peut vivre seulement pour lui-même. Eût-il été socialiste, Martin ne se serait pas suicidé. » Quelques années plus tard, dans John Barleycorn (1913), London souligna que, lorsque le pessimisme l'accablait et qu'il était sur le point d'imiter la fin de Martin Eden, « ce qui [m]'avait réellement sauvé était la seule illusion qui me restait – le Peuple... le Peuple m'enchaînait à la vie ». Tout bien considéré, les critiques étaient excusables : seule une discussion avec Kreis, un professeur chassé de l'université à cause de ses opinions révolutionnaires, constitue un brillant contrepoint aux conversations insipides qui se déroulent dans le salon des Morse. De même, Brissenden déclare qu'il est socialiste « parce que le socialisme est inévitable » tout en méprisant les masses qui se laissent exploiter. Le seul autre socialiste du roman est un orateur des rues dont le bagou irrite Martin.
Ce roman est sans doute l'œuvre la plus autobiographique de Jack London, notamment quand l'écrivain retrace la vie sur les quais de San Francisco, les débuts de la carrière littéraire de Martin et sa liaison malheureuse avec Ruth, dont le modèle fut Mabel Applegarth. Il passe aujourd'hui pour l'œuvre la plus mûre et la plus achevée de London.
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Écrit par
- Michel FABRE : professeur émérite
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