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HANSEN MARTIN (1909-1955)

Une nostalgie hante l'œuvre du Danois Martin A. Hansen : celle d'un Moyen Âge perdu où le peuple chrétien vivait en accord avec lui-même et avait trouvé le moyen de mener harmonieusement son existence ; il ne l'a nulle part mieux dit que dans son dernier livre, Serpent et taureau (Orm og tyr, 1952). Parallèlement, la hantise de l'absurde qui coïncide avec la période la plus créatrice de l'auteur lui dicte des ouvrages qui résistent désespérément à la tentation de l'à-quoi-bon ; par exemple, La Perdrix (Agerhnen, 1947).

« Lorsque tu arrives au bout de l'absurde, tu vois que le tout n'est qu'un champ de bataille où s'affrontent deux puissances. Et il n'y a pas de no man's land », écrit Hansen dans Le Menteur (Logneren, 1950), roman dont les héros, des insulaires perpétuellement confrontés avec la nature, avec la mort et avec l'exil, savent que l'issue ne se trouve que dans une invincible confiance dans la résurrection.

En sorte que, comme la célèbre revue danoise Heretica dont Hansen fut l'un des meilleurs animateurs, l'auteur ne voit la solution que dans une perspective chrétienne. L'Églantier (Tornebusken, 1946) démontre que, dans l'âpre lutte entre bien et mal, la seule issue est la souffrance, voie vers Dieu. Et, si la civilisation moderne est inhumaine et moralement dissolue, ce que fustigeait Le Voyage de Jonathan (Jonathans Reise, 1941), c'est qu'elle est accablée de rationalisme et d'une vision étroitement scientiste de la réalité. Nous avons perdu le sens global, religieux et éthique de l'existence. Il faut le retrouver ou périr. Voilà pourquoi nous est proposé de bout en bout l'exemple du Moyen Âge : non pour nous inciter à y revenir, l'histoire ne fait jamais machine arrière, mais pour nous décider à redécouvrir les valeurs qui avaient conféré à cette époque sa réussite humaine, et à les mettre en application là où nous sommes et en notre temps. Toute l'œuvre répète inlassablement, de toutes les façons, ce « voyez ce que nous avons perdu. »

Attitude courageuse dont le mérite n'est pas seulement de trancher sur la production contemporaine, mais qui retrouve aussi, par une belle fidélité, une des constantes de l'histoire du Nord : la recherche d'un accord entre l'homme, son milieu naturel et son destin.

— Régis BOYER

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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