LUTHER MARTIN (1483-1546)
Au lendemain de la mort de Luther, ses amis soulignèrent l'œuvre immense qu'il laissait derrière lui : un véritable renouveau de l'exégèse biblique, de la prédication, des sacrements et de la liturgie, ainsi que de la fonction ecclésiastique. L'école et la formation universitaire avaient subi des changements. On avait acquis une nouvelle compréhension de l'État, du mariage, de l'activité professionnelle et de la vie économique. Cette œuvre, dans ce qu'elle avait de créateur, était issue chez Luther d'une nouvelle prise de conscience de la relation avec Dieu à la lumière de l'Écriture. Il s'était représenté Dieu d'abord sous des couleurs sombres, voyant en lui le Dieu terrifiant et juge, puis il en vint à le reconnaître dans le Christ comme le Dieu miséricordieux et bienveillant qui justifie le pécheur. La volonté du Dieu juge et cependant miséricordieux devint, pour Luther, le critère qui, appliquée à l'Église, à la théologie, au monde et à l'homme, devait les redéfinir intrinsèquement et dans leurs relations mutuelles.
Le moyen dont il se servit pour cette transformation était la parole prêchée et écrite, une parole puissante et forçant l'assentiment, parce qu'il avait quelque chose d'original à dire, une parole parfois paradoxale et irritante, puis à nouveau parfaitement claire et d'une simplicité enfantine. Ayant conscience d'être l'instrument de Dieu, il se montrait incommode et ne se laissait guère manipuler. Il se livrait vis-à-vis de ses adversaires à des critiques acerbes et à des polémiques violentes, souvent même à des propos vulgaires. Mais, en même temps, il savait trouver les accents chaleureux qui consolent merveilleusement. Ce n'était pas un saint ; au contraire, il avait toujours conscience d'être devant Dieu comme un pauvre homme totalement dépendant de lui. Son portrait au regard de l'histoire ne pouvait dès lors que susciter la controverse. Salué par les uns comme un héros religieux ou national, exalté comme incarnant l'idéal culturel ou bourgeois, il devait être condamné par les autres comme hérétique, dénoncé comme un modèle d'immoralité ou accusé d'être à la solde des princes et l'ennemi de la démocratie. Néanmoins, dans les dernières décennies, les Églises se sont mises à écouter ensemble le message de Luther, et la science historique elle-même en est venue à le juger d'une manière plus objective.
La vie et l'action du Réformateur
Origine et formation
Quoique, à l'occasion, il se soit réclamé de son humble origine paysanne, Luther, né le 10 novembre 1483 à Eisleben en Thuringe dans le comté de Mansfeld, a passé sa vie dans les villes. Son père, Hans, était un petit exploitant dans les mines de cuivre. On a cherché à expliquer les conflits religieux auxquels Martin fut exposé par ses rapports avec un père exigeant et une mère quelque peu mélancolique. D'après le peu d'informations dont nous disposons, l'éducation de cet enfant à la vive sensibilité fut, selon la coutume d'alors, sévère certes, mais ses rapports avec ses parents paraissent dans l'ensemble avoir été bons. D'ailleurs, le père, désireux lui-même de s'élever socialement, nourrissait au sujet de Martin de grandes ambitions. Soucieux, pour cette raison, de lui assurer une bonne formation scolaire, il l'envoya en 1497 à Magdebourg, puis, l'année suivante, à Eisenach. À Magdebourg, chez les Frères de la Vie commune, et à Eisenach, dans une ambiance pieuse, Martin reçut ses premières empreintes religieuses. En 1501, il entra à l'université d'Erfurt pour y préparer une carrière de juriste. Le nominalisme, comme le courant de pensée caractéristique de la fin du Moyen Âge, y était encore dominant ; parallèlement, l' humanisme[...]
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Écrit par
- Martin BRECHT : docteur en théologie, professeur d'histoire de l'Église à la faculté évangélique de théologie à l'université de Münster
- Pierre BÜHLER : docteur en théologie, professeur de théologie systématique à la faculté de théologie protestante de l'université de Neuchâtel
Classification
Médias
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