KING MARTIN LUTHER (1929-1968)
Combats des dernières années
Les premiers signes d'opposition aux méthodes de King au sein du mouvement pour les droits civiques apparaissent en mars 1965, lors des manifestations organisées à Selma (Alabama) pour mettre en lumière la nécessité d'une loi fédérale sur le droit de vote offrant un cadre légal à l'émancipation des Noirs dans le Sud. King organise une première marche de Selma à Montgomery, qu'il ne dirige pas lui-même. Les manifestants sont refoulés par la police locale, à coups de matraque et de grenades lacrymogènes. King s'apprête à mener une seconde marche, malgré l'injonction d'une cour fédérale et les efforts de Washington visant à le persuader de renoncer. Conduit par lui-même, ce second cortège de 1 500 personnes est bientôt bloqué par un barrage policier. Au lieu de continuer à avancer et d'aller à la confrontation, King enjoint ses partisans de s'agenouiller pour prier, avant de faire demi-tour. Cette décision lui coûtera le soutien de nombreux jeunes radicaux qui critiquaient déjà sa prudence excessive. Accusé d'avoir conclu un arrangement avec les autorités fédérales et locales, il nie fermement. Le Voting Rights Act sera néanmoins adopté en août 1965.
Mais la philosophie religieuse et non violente que professe King, qui a remporté d'incontestables succès dans le Sud ségrégationniste, est de plus en plus remise en question dans les quartiers pauvres, qui forment les ghettos des grandes villes du Nord et de l'Ouest. L'émeute qui éclate dans le district de Watts, à Los Angeles (août 1965), témoigne de l'ampleur de l'agitation qui règne chez les habitants noirs de ces quartiers. Dans un effort visant à répondre aux attentes du ghetto, King et ses sympathisants lancent au début de l'année 1966, à Chicago, une manifestation contre la discrimination raciale visant surtout la ségrégation dans le logement. Après un début d'année ponctué par des rassemblements, des marches et des manifestations, un accord est signé entre la ville et une coalition de Noirs, de libéraux et de syndicats, prévoyant diverses mesures pour faire appliquer les lois existant déjà en la matière. Mais, en réalité, la campagne de King à Chicago a vu ses effets en grande partie annihilés par l'opposition du puissant maire de la ville, Richard Daley, mais aussi par la complexité inattendue du racisme dans les États non ségrégationnistes.
En Illinois, en Californie ou dans le Mississippi, King est désormais critiqué et même raillé en public par les jeunes sympathisants du Black Power. Tandis que King représente la patience, la respectabilité de la classe moyenne et une approche graduée des changements sociaux, les jeunes radicaux des villes, au langage cru et vêtus de jeans, incarnent la confrontation et l'exigence de changement immédiat. Pour ces révoltés, le chef de file des droits civiques, avec ses costumes impeccables et ses discours pacifiques, est bien trop passif et vieux jeu, même s'il n'a alors qu'une trentaine d'années : il représente la génération précédente alors que leur chef révolutionnaire, Malcolm X, va jusqu'à qualifier les méthodes de King de « criminelles ».
Face à ces attaques grandissantes, King cherche à élargir son audience en introduisant d'autres thèmes que la lutte contre le racisme. Le 4 avril 1967, à l'église Riverside de New York, et le 15 avril lors d'un rassemblement gigantesque en faveur de la paix dans la même ville, il s'oppose irrévocablement à l'intervention américaine au Vietnam. Il avait déjà condamné la guerre en janvier 1966, mais les pressions de la Maison-Blanche et l'opposition au sein même de la communauté noire l'avaient alors fait revenir sur ses propos. Il tente ensuite de former une coalition réunissant tous les pauvres, noirs comme blancs,[...]
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Écrit par
- David L. LEWIS : professeur d'histoire à l'université de Rutgers, New Jersey
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Médias
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