LUTHER MARTIN (1483-1546)
La théologie de Luther
Il n'est pas aisé de donner une vue d'ensemble de la théologie de Luther, et cela pour trois raisons surtout. En premier lieu, les nombreux écrits de ce dernier – l'édition critique fait plus de cent gros volumes ! – sont principalement des écrits de circonstance, nés sous la pression des événements et engagés sur des fronts polémiques divers. Luther n'a jamais eu ni pris le temps de fixer l'essentiel de sa pensée sous la forme d'une dogmatique, comme ce fut le cas pour Calvin par exemple. En deuxième lieu, sa théologie trouve son origine dans l'effort d'interprétation des textes bibliques. Dans son enseignement académique, en effet, il sera, dès le début et durant toute sa vie, un exégète passionné. La conscience herméneutique qui en résulte empêche toute fixation rigide des contenus théologiques. Enfin, Luther prend ses distances par rapport à son œuvre propre. Il ne souhaite pas qu'elle soit mise en avant, redoutant qu'elle fasse obstacle à la découverte de l'Écriture et du Christ, au lieu d'y conduire : « ... je demande qu'on taise mon nom et qu'on ne s'appelle pas luthérien, mais chrétien. Qu'est-ce que Luther ? La doctrine n'est pas de moi. De même, je n'ai été crucifié pour personne [...]. Comment se pourrait-il qu'on ose employer mon nom à moi, pauvre corps puant et destiné aux vers, pour désigner les enfants du Christ, mon nom à moi, en qui il n'y a point de salut ? »
Ainsi, la présentation de la théologie de Luther ne pourra s'effectuer par la simple description d'un corps de doctrine, d'une série de thèses organisées en un système figé. La théologie de Luther est une pensée vivante qui, sur le fond d'une profonde unité, connaît des évolutions, des déplacements d'accent ; et la présenter, c'est introduire à un mouvement, à un effort de réflexion qui est sans cesse à refaire et qui ne livre jamais ses résultats tels quels. Pour bien la saisir, il faut donc d'abord en préciser le lieu et la démarche.
Vivre à la lumière de l'Évangile
« L'expérience seule fait le théologien », déclare Luther. Ou encore : « C'est en vivant, c'est-à-dire en mourant et en étant déclaré coupable qu'on devient théologien, et non en réfléchissant, en lisant ou en spéculant. » Ces deux brèves citations dévoilent clairement le lieu de la réflexion de Luther : il s'agit d'une théologie en prise sur la vie, ancrée dans l'expérience vécue, saisie comme une situation existentielle dans laquelle l'homme se trouve pris à partie, revendiqué, interrogé et jugé. Tel est le lieu de la mise à l'épreuve de la conscience dans sa certitude, sa confiance, ses convictions. Mais ce n'est là que l'un des pôles. En effet, comme le montre la percée réformatrice, cette mise à l'épreuve est en même temps lutte avec l'Écriture, une lutte qui aboutit quand de l'Écriture jaillit la lumière de l'Évangile qui vient illuminer la vie des hommes. Ainsi le mouvement va de la vie à l'Écriture et de l'Écriture à la vie, la théologie visant à favoriser une interpénétration toujours plus profonde des deux. Caractérisant ce mouvement d'interpénétration par l'idée de l'appropriation de la foi dans la vie, Kierkegaard dira, trois siècles plus tard : « Si, du christianisme, l'on élimine l'appropriation, quel est alors le mérite de Luther ? Mais lisez-le, et notez à chaque ligne de ses ouvrages la forte pulsation de l'appropriation... » Par là, un trait essentiel se trouve marqué : le souci de la foi vécue guide l'effort théologique tout entier, qui doit permettre aux hommes de vivre leur existence concrète à la lumière de l'Évangile. Mais comment s'effectue cette mise en lumière ?[...]
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Écrit par
- Martin BRECHT : docteur en théologie, professeur d'histoire de l'Église à la faculté évangélique de théologie à l'université de Münster
- Pierre BÜHLER : docteur en théologie, professeur de théologie systématique à la faculté de théologie protestante de l'université de Neuchâtel
Classification
Médias
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