OPITZ MARTIN (1597-1639)
Théoricien de la poésiebaroque, Martin Opitz est considéré comme le « père de la poésie allemande ». Né en 1597 à Bunzlau, en Silésie, il est issu de la petite bourgeoisie luthérienne et fera une carrière brillante d'homme de lettres et de diplomate. Son sens politique lui permettra de traverser la période troublée de la guerre de Trente Ans en tirant habilement parti des circonstances. Avec la publication d'un premier recueil de poèmes en latin, et, en 1617, d'un discours, Aristarchus, où il défend la valeur poétique de la langue allemande, il se pose, dès le départ, à la fois comme poète et comme théoricien. Lors de ses études commencées à Heidelberg en 1619, il rencontre le cercle des poètes formé autour de Zincgref et soutient la cause calviniste. Chassé par l'arrivée de l'armée espagnole, il se réfugie en Hollande où il fait, en 1620, la connaissance de Daniel Heinsius, qui est le modèle pour lui du poète moderne. Il part en Jutland, y termine en 1621 son Trostgedicht, long poème épique sur les horreurs de la guerre, puis revient en Allemagne, trouve une place de professeur en Transylvanie, et compose un éloge de la vie à la campagne, Zlatna. De retour en Silésie, mécontent d'une édition de ses poèmes de jeunesse publiés en 1624 par Zincgref sans son accord, il rédige en cinq jours son ouvrage capital, le fameux Buch von der deutschen Poeterey (Traité de la poésie allemande). Première poétique baroque, cet essai donnera une impulsion décisive à la poésie allemande moderne. Opitz construit le vers allemand en se fondant non pas sur la quantité des syllabes comme dans les langues romanes, mais sur leur poids, donné par l'accentuation. Pour obtenir un rythme régulier, il conseille une alternance de temps forts et de temps faibles selon le schéma iambique ou trochaïque. L'alexandrin, son vers favori, constitué de six mesures iambiques, aura une grande postérité. Ces préceptes théoriques n'auraient pas connu une telle fortune si Opitz ne les avait accompagnés d'exemples concrets. L'édition revue de ses poèmes, parue à Breslau en 1625, Acht Bücher deutscher Poematum, sera utilisée comme manuel de poésie pendant tout le xviie siècle. Opitz, couronné poète et anobli par l'empereur Ferdinand II, deviendra membre de la Société Fructifère, une de ces sociétés de langue qui, à l'instar de la Pléiade française, avaient pour but d'« épurer » la langue afin de la faire fructifier.
En s'inspirant de grandes œuvres anciennes ou contemporaines, Opitz ouvre la littérature allemande à des formes nouvelles. Il enrichit le lyrisme : odes et sonnets, imités de Ronsard ou de Heinsius, poèmes didactiques ou satiriques à la manière de Caton ou d'Horace, poésies mystiques transposées du Cantique des cantiques ou du Livre des Psaumes. Ses traductions de drames antiques — Les Troyennes de Sénèque, Antigone de Sophocle — préparent l'avènement du théâtre classique allemand. Il fournit également un modèle de roman moderne en traduisant le roman à clefs Argenis de l'Écossais Barclay. Son édition du Chant d'Annon, manuscrit en moyen haut-allemand, fait connaître une des œuvres les plus anciennes de la littérature germanique. Il transpose la Daphné de Rinuccini, qui sera mise en musique par Schütz en 1627, et introduit l'opéra italien sur la scène allemande. Le succès de sa Pastorale de la Nymphe Hercynie met enfin l'Allemagne à la mode européenne. Grâce à ce travail d'adaptation, Opitz a permis aux Allemands de rattraper leur retard sur les autres littératures nationales. Il sera, à leurs yeux, le « cygne de la Bober », « le roi des poètes ». À partir de 1626, Opitz eut, en outre, d'importantes activités diplomatiques. Devenu secrétaire du burgrave de Dohna, il se convertit au catholicisme, puis, après la mort de son protecteur, revient[...]
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Écrit par
- Hélène FEYDY : agrégée d'allemand, maître de conférences à l'université Paris-IV
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ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures
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