NAVRATILOVA MARTINA (1956- )
À l'heure où le tennis féminin consacre des adolescentes glamour à la carrière souvent éphémère, la trajectoire de Martina Navratilova semble des plus atypiques. Elle fit en effet ses débuts sur le circuit professionnel en 1973, et ne prit définitivement sa retraite sportive qu'en 2006.
Martina Navratilova possède le palmarès le plus fourni de l'histoire du tennis féminin – 18 succès en simple, 31 victoires en double dans les tournois du Grand Chelem. Mais elle donna surtout une nouvelle impulsion à son sport. Elle en bouleversa d'abord l'approche, en révolutionnant les méthodes d'entraînement et de préparation. En plus des conseillers qui gravitent autour de toute championne de tennis, elle fit appel aux services d'une foule de nutritionnistes, de psychologues et même d'informaticiens, chargés de déterminer au gramme près son alimentation et à la minute près son programme d'entraînement. En outre, dans un monde tennistique encore prude et muet sur la question à l'époque, Martina Navratilova osa afficher son homosexualité.
Un caractère forgé dans la douleur
Martina Subertova naît le 18 octobre 1956 à Prague. Pour devenir un champion ou une championne de haut niveau, il est nécessaire d'avoir du « caractère », dit-on. Souvent, ce caractère se forge dans l'enfance et ses douleurs. Les premières années de la vie de Martina ressemblent à un roman noir. Cette petite fille disgracieuse est âgée de trois ans quand ses parents divorcent ; puis son père disparaît. Comme un symbole de sa quête d'identité future, elle doit changer de nom lorsque sa mère épouse Mirek Navratil, l'entraîneur du club de tennis de Revnice. Mais ce beau-père va la sauver de la neurasthénie qui lui semblait promise en lui donnant le goût du tennis et en lui rabâchant qu'un jour elle gagnerait le tournoi de Wimbledon. À neuf ans, elle est admise au sein du club Klamovka de Prague. Dotée de moyens ordinaires – « je n'avais rien d'extraordinaire, si ce n'est la taille de mes pieds », s'amusera-t-elle à déclarer –, elle travaille durement, malgré les quolibets que lui vaut son allure de garçon manqué. En 1972, elle bat une vedette locale de l'époque : la voici prête pour le circuit international.
Lassée de la dure condition que la Fédération tchécoslovaque de tennis fait à ses champions – Martina ne reçoit qu'une allocation quotidienne de 12 dollars –, elle prend à dix-huit ans la douloureuse décision de s'exiler. Elle part pour les États-Unis, mais sa famille, qui envisage un moment de demander l'asile politique, ne la suit pas. Pendant quatre ans, elle ne voit pas sa mère ; elle n'apprend le décès de sa grand-mère que deux mois après la mort de cette femme aimée, chez qui elle logeait une partie de la semaine lorsque qu'elle s'entraînait à Prague. Ces mutilations affectives la traumatisent : elle délaisse l'entraînement, prend plusieurs kilos, son émotivité lui fait perdre de nombreux matchs. Elle ne parvient pas à assumer son homosexualité : elle vit d'abord un amour tumultueux avec Rita Mae Brown, un auteur féministe lesbien, puis la quitte pour une célèbre joueuse de basket-ball, Nancy Lieberman. Poursuivie par les paparazzis, elle doit nier son homosexualité : aux États-Unis, les autorités peuvent refuser un visa – et à plus forte raison une naturalisation – pour lesbianisme. La naturalisation tant attendue vient finalement le 21 juillet 1981. La jeune femme va enfin pouvoir s'épanouir, et la tenniswoman donner sa pleine mesure.
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
Classification
Média