FRANCK MARTINE (1938-2012)
Sa photographie de 1996 du monastère de Shechen au Népal est une des plus célèbres et sans doute la plus représentative de l'œuvre de Martine Franck : le voyage, la transmission du savoir, la volonté de reconnaître et de partager ce que le monde peut avoir de beau se retrouvent dans cette scène où un jeune novice s'amuse de la colombe perchée sur le crâne de son maître.
Martine Franck est née le 2 avril 1938 à Anvers, d'Evelyn Aeby et Louis Franck, homme d'affaires brillant établi à Londres et grand amateur d'art. Ce collectionneur transmet sa passion à sa fille et à son fils aîné Eric, qui deviendra un éminent galeriste. Martine Franck grandit et étudie aux États-Unis puis en Angleterre avant de se diriger vers des études d'histoire de l'art qu'elle suit à Madrid et à Paris. À la Sorbonne, elle fait la connaissance d'Ariane Mnouchkine qu'elle rejoint dans l'Association théâtrale des étudiants de Paris. Un voyage conduit en 1962 les deux jeunes femmes en Afghanistan, en Chine, en Inde et au Japon. Il va susciter chez Martine Franck la volonté de documenter les lieux par la photographie, en même temps qu'elle publie quelques articles pour Eastern Horizons de Hong Kong. Cette première expérience est à l'origine du métier qu'elle embrasse dès 1964 à Paris au sein de l'équipe du magazine Time-Life, au laboratoire et comme assistante des photographes américains Gjon Mili et Eliot Elisofon.
L'orientation professionnelle se concrétise en quelques mois sur le mode du free-lance. Ses reportages paraissent dans la presse d'information internationale, avec des photographies publiées dans les pages de Life, Fortune, Sports Illustrated, The New York Times ou Vogue. La fondation en 1964 du Théâtre du Soleil par Ariane Mnouchkine marque le début d'une longue collaboration en même temps que celui de l'œuvre photographique de Martine Franck. Son style s'affirme, dominé par une approche sensible et respectueuse de ses contemporains, et par une rigueur esthétique constante.
Après avoir partagé les deux premières années de l'agence photographique VU, fondée en 1970 par Pierre de Fenoyl, Martine Franck participe en 1972 à la création de l'agence Viva au côté des photographes Alain Dagbert, Hervé Gloaguen, Claude Dityvon, François Hers, Richard Kalvar, Jean Lattès et Guy Le Querrec. Les huit fondateurs appartiennent à la génération portée par l'élan de mai 1968. Ils ont l'ambition commune de produire des sujets bénéficiant d'un recul par rapport au traitement de l'actualité événementielle proposé par les agences de presse comme Gamma, fondée en 1966, ou Sygma qui verra le jour en 1973. L'intransigeance de Viva vis-à-vis de certains clients et un contexte économique qui frappe de plein fouet la presse écrite ne permettront pas à la petite structure de survivre à sa dixième année. Mais cette décennie aura placé Martine Franck au premier rang des auteurs photographes, notamment avec son sujet poignant sur les maisons de retraite ou avec celui sur l'environnement aristocratique de familles de la vieille France. C'est à Viva aussi qu'elle entreprend sa longue série de portraits de célébrités : Roland Topor, le président Georges Pompidou, Yves Saint Laurent côtoieront Ariane Mnouchkine dans cette approche singulière de la personnalité, qu'on retrouve en 1995 avec le sujet réalisé sur le Collège de France. C'est toujours au cours de ses années chez Viva que Martine Franck réalise sa « photographie parfaite » : Le Brusc, Midi de la France, 1976.
La fin de l'agence Viva verra Martine Franck rejoindre Magnum Photos en 1980 pour en devenir membre associé trois ans plus tard, comme le veut le protocole de l'agence. Elle y côtoie Henri Cartier-Bresson, rencontré en 1966 et qui devient son[...]
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Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
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