MARXISME La théorie marxiste
Si elle implique nécessairement des problèmes philosophiques, la théorie de Marx n'est donc pas un système philosophique. Il en résulte, d'abord, qu'elle n'est pas achevée et, d'autre part, que son exposé n'a pas de commencement absolu, ni dans son ensemble, ni dans telle de ses parties (par exemple, dans sa partie « économique », qu'expose Le Capital). D'où la fameuse réplique de Marx (à propos des guesdistes français) : « Ce qui est sûr, c'est que moi je ne suis pas marxiste... »
Mais cela ne signifie pas que la théorie de Marx ne soit pas systématique au sens scientifique, c'est-à-dire qu'elle ne définisse pas son objet d'étude de façon à en expliquer la nécessité objective. Ce qui confère à cette théorie son caractère systématique, en ce sens, c'est l'analyse des différentes formes de la lutte des classes et de leur connexion. C'est la meilleure définition qu'on puisse en donner, si tant est que le contenu d'une science puisse être enfermé dans une définition.
Classes et luttes de classes
Dans le Manifeste, Marx écrit : « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes. » Cette proposition doit être prise au sens fort : elle ne signifie pas que les luttes de classes ont été le principal phénomène qu'on puisse observer dans l'histoire ; ni même que les luttes de classes sont la cause profonde, plus ou moins directe, des phénomènes historiques. Elle signifie que les phénomènes historiques, qui sont la seule réalité de l'histoire, ne sont pas autre chose que des formes (diverses, complexes) de la lutte des classes. La précision apportée par Marx : « jusqu'à nos jours » – précision qu'on peut répéter aujourd'hui encore sans modification – ne signifie donc pas que la définition apparaîtrait partielle, inexacte, si l'on prenait en considération les « sociétés sans classes » qui ont précédé ou qui suivront l'histoire des sociétés « de classes ». Les sociétés sans classes ne révèlent pas (et ne révéleront pas) une réalité sociale plus profonde, plus générale que la lutte des classes, ou lui échappant (c'est généralement ce que l'anthropologie sociale va y rechercher), et par là même « sans histoire ». Les sociétés sans classes de l'avenir – dont les tendances de la société actuelle indiquent seulement certains traits – ne peuvent être que le résultat de la transformation de la lutte des classes sous l'effet de cette même lutte de classes. C'est pourquoi Marx et Engels ont toujours insisté sur le fait que les communautés primitives que découvrent la préhistoire et l'ethnographie n'ont rien de commun avec le communisme qui succédera au capitalisme comme mode de production et d'organisation sociales. L'analyse de tendances, qui est l'objet du matérialisme historique, ne peut consister, comme chez Hegel, à rechercher la vérité des fins dans l'accomplissement des origines.
Il importe de bien saisir ce point pour comprendre l'usage et la signification du concept de classe sociale dans le marxisme. En 1852, Marx écrivait à son ami Weydemeyer : « Ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert l'existence des classes dans la société moderne, pas plus que la lutte qu'elles s'y livrent [...]. Ce que j'ai apporté de nouveau, c'est de démontrer : 1o que l'existence des classes n'est liée qu'à des phases historiques déterminées du développement de la production ; 2o que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat ; 3o que cette dictature elle-même ne représente qu'une transition vers l'abolition de toutes les classes et vers une société sans[...]
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Écrit par
- Étienne BALIBAR : philosophe, professeur à l'université de Paris-I
- Pierre MACHEREY : maître assistant à l'université de Paris-I
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