MARXISME La théorie marxiste
Capital et travail salarié
Dans cette perspective, il n'est pas difficile de déterminer ce qui constitue, selon l'expression de Marx lui-même, la « quintessence » de la théorie du mode de production capitaliste exposée dans Le Capital, et ce qui indique le lieu précis de la rupture opérée par Marx à l'égard de l'économie politique, de la sociologie et de l'historiographie bourgeoises : l'analyse de la survaleur (en allemand, Mehrwert, qu'on avait traditionnellement traduit par « plus-value », malgré le sens différent de ce terme en français).
Le mouvement du capital et l'origine de la survaleur
Ce qui définit le capital dans la pratique de l'économie bourgeoise, c'est la mise en valeur d'une quantité de valeur donnée. Toute somme de valeur n'est pas du capital, cela dépend de son utilisation : les valeurs thésaurisées ou consacrées à la consommation individuelle ne sont pas du capital. Il faut pour cela que la valeur soit investie de façon à s'accroître d'une quantité déterminée. Cette quantité constitue par définition la survaleur. En ce sens, la notion de survaleur est formellement présente dès qu'on se donne un capital quelconque : chaque capital individuel réalise pour son compte le même mouvement général, qui le définit, en dégageant de la survaleur et en se l'incorporant dans un processus qui, par définition, est sans fin. Selon une métaphore mathématique insistante, Marx appelle ainsi « survaleur » la différentielle d'accroissement du capital-argent.
Mais ce processus peut apparaître de façon différente selon les modes d'investissement (et, par suite, aussi selon les points de vue qu'ils définissent dans la pratique et la théorie économiques) : capital financier, capital commercial, capital industriel. La survaleur semble alors se dissoudre dans les différentes formes d'accroissement du capital : intérêt, bénéfice commercial, profit industriel, dont le mécanisme est en pratique tout à fait différent. Du même coup, le capital s'identifie à une forme particulière sous laquelle se présente sa valeur : argent, marchandises, moyens de production. Cependant, la forme « argent » est toujours présente et privilégiée : comme l'argent est l'équivalent de toutes les marchandises (y compris les moyens de production et le travail nécessaires au fonctionnement du capital industriel), il représente la valeur en soi, indépendamment des objets matériels auxquels elle est attachée. Or le mouvement du capital ne s'intéresse pas à ces objets, mais seulement à l'accroissement de la quantité de valeur. Le mouvement du capital apparaît donc essentiellement comme l'accroissement d'une quantité monétaire, une forme développée de la circulation monétaire.
Si l'on considère l'existence du capital à l'échelle sociale, et si l'on pose le problème de l'origine de la survaleur, il apparaît cependant que celle-ci ne peut résider dans la circulation marchande ni, par conséquent, dans les opérations spécifiques du capital commercial, ni dans celles du capital financier, bien que les formes de la circulation marchande, généralisée par le capitalisme, en soient apparemment l'essentiel. En effet, la circulation marchande et monétaire, à l'échelle de la société, est régie par la règle de l'échange entre valeurs équivalentes, qui préside à chaque acte individuel d'échange, à chaque contrat. Aucune valeur nouvelle ne peut donc être créée dans la sphère de la circulation. Le seul capital dont le mouvement peut créer de la valeur est donc le capital industriel, le capital productif, dont les opérations spécifiques se déroulent hors de la sphère de la circulation, et ne consistent pas en échanges, mais, une fois rassemblés les facteurs de production[...]
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Écrit par
- Étienne BALIBAR : philosophe, professeur à l'université de Paris-I
- Pierre MACHEREY : maître assistant à l'université de Paris-I
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