MARXISME La théorie marxiste
Le matérialisme historique
Qu'est-ce que le capital, en somme ? Ce n'est pas une « chose » (argent, moyens de production). Il doit être, au contraire, étudié comme un processus cyclique qui se déroule en permanence à l'échelle de la société tout entière, et dont le moment principal est celui de la production ; c'est là que, simultanément, s'effectuent la transformation matérielle de la nature et la création de survaleur ; c'est là que s'effectue le travail sous la condition de fournir, d'être un surtravail.
Le capital n'est pas non plus un titre juridique, par exemple la propriété juridique (privée) des moyens de production. Certes, la propriété juridique (qui prend historiquement une série de formes, du capitalisme individuel au monopole d'État) est indispensable au fonctionnement du capital, de même que lui est indispensable la forme juridique, en apparence distincte, du travail salarié, qui forme système avec elle. Mais il ne s'agit là que des conditions requises pour le fonctionnement des rapports de production capitalistes qui sont le processus réel d'appropriation du travail par le moyen de l'appropriation des moyens de production, que le cycle capitaliste reproduit sans cesse. En tant que rapport social, la propriété capitaliste est identique au travail salarié. L'un ne peut pas exister historiquement sans l'autre.
Le capital est un système de rapports sociaux de production, qui ne recouvre pas autre chose que l'existence du surtravail. De même, la loi de la valeur développée par le mode de production capitaliste ne recouvre pas autre chose qu'un mode particulier de répartition du travail social entre les différentes branches de production, et de régulation de cette répartition en vue de l'obtention du surtravail.
Mais le surtravail a d'autres formes d'existence historique que la forme capitaliste : la rente féodale aussi est une forme de surtravail, souvent immédiatement visible (la corvée), que le capital a dû abolir pour se développer lui-même. Le capital n'est qu'un système de rapports sociaux historiques, transitoires, comme l'est, avec lui, l'ensemble des catégories économiques de la circulation et de la comptabilité marchandes qu'il requiert et généralise.
Cette formulation est cependant insuffisante. Elle pourrait faire penser que l'analyse de Marx conduit à un relativisme historique : faire du capital une simple forme historique, limiter son domaine de validité... L'analyse de Marx enseigne en réalité autre chose. Elle découvre, dans le mécanisme même de cette forme historique (le mécanisme de la survaleur) : les causes de la transformation des conditions matérielles dans lesquelles elle apparaît (la productivité du travail, la révolution des forces productives) ; les contradictions dont le développement produira sa propre « négation », sa propre destruction ; les agents de cette transformation (le prolétariat) dont les capacités techniques, les formes d'organisation politique, l'idéologie préfigurent en partie des rapports sociaux à venir.
Le capital, l'ensemble des rapports sociaux doivent donc être définis indissolublement comme processus, comme contradiction et comme tendance historique.
Cela dit, il ne suffit nullement d'avoir analysé la détermination économique de la lutte des classes pour être en mesure d'en expliquer la dialectique et d'en maîtriser les phases concrètes. Il faut savoir analyser également la superstructure politique et idéologique dont le fonctionnement est nécessaire à la reproduction de l'ensemble des rapports sociaux, par où passe également leur transformation, et qui consiste en luttes de classes spécifiques, irréductibles à la seule lutte économique. De même, il faut être en mesure d'analyser le complexe des luttes de classes qui, au sein d'une formation[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Étienne BALIBAR : philosophe, professeur à l'université de Paris-I
- Pierre MACHEREY : maître assistant à l'université de Paris-I
Classification
Médias
Autres références
-
ABENSOUR MIGUEL (1939-2017)
- Écrit par Anne KUPIEC
- 898 mots
- 1 média
Utopie, émancipation, critique, politique – tels sont les termes qui peuvent qualifier le travail conduit par Miguel Abensour, professeur de philosophie politique, éditeur et penseur.
Miguel Abensour est né à Paris le 13 février 1939. Agrégé de sciences politiques, auteur d’une thèse d’État (...
-
ADLER MAX (1873-1937)
- Écrit par Raoul VANEIGEM
- 648 mots
Longtemps occulté par la prépondérance de l'idéologie bolchevique, le rôle de Max Adler, l'un des principaux représentants de l'austro-marxisme, s'éclaire d'une importance accrue à mesure qu'on redécouvre les tendances anti-autoritaires apparues dans l'évolution de la doctrine marxiste....
-
ALTHUSSER LOUIS (1918-1990)
- Écrit par Saül KARSZ et François MATHERON
- 4 570 mots
Références philosophiques et politiques majeures, les écrits de Louis Althusser comme ceux qu'il a inspirés exercèrent une forte emprise, bien au-delà de la France, de 1960 à 1978. La lente, la tragique agonie de l'auteur, le triomphe des idéologies libérales dans les pays capitalistes, la crise et...
-
ANTHROPOLOGIE
- Écrit par Élisabeth COPET-ROUGIER et Christian GHASARIAN
- 16 158 mots
- 1 média
Certes,la conception que se font les marxistes de l'histoire est différente de celle de Lévi-Strauss, mais, d'un côté comme de l'autre, les débats portent sur les mêmes problèmes fondamentaux, essentiellement celui de savoir quel statut et quelle priorité accorder aux systèmes symboliques. Même si,... - Afficher les 109 références