MARXISME Le matérialisme dialectique
Les thèses du matérialisme dialectique
Le contenu du matérialisme dialectique peut être ramené à quelques énoncés élémentaires : le premier affirme que toute l'histoire de la philosophie est déterminée par la lutte entre deux tendances, deux camps : le matérialisme et l'idéalisme.
Matérialisme et idéalisme
L'histoire de la philosophie, c'est en apparence la succession et la contradiction des systèmes philosophiques : diversité pure, qui ne peut être ramenée à un principe d'explication, à moins que ce principe ne se substitue à la philosophie elle-même pour la représenter dans sa totalité (c'est ce que fait Hegel en fabriquant un système qui remplace et comprend tous les autres). Cette diversité n'est que la surface de l'histoire de la philosophie ; elle dissimule un processus extrêmement simple, qui est la contradiction entre deux principes : le principe idéaliste et le principe matérialiste.
On fera une première remarque : ce qui permet de comprendre l'histoire philosophique, c'est la contradiction entre deux principes, et non la lutte entre des systèmes ou des doctrines. L'existence de la philosophie sous la forme de système est l'effet de la domination du point de vue idéaliste sur le point de vue matérialiste. La domination du point de vue matérialiste fera probablement disparaître la philosophie comme système, et lui donnera une forme radicalement nouvelle.
Seconde remarque : les deux principes réalisent (ou représentent) deux points de vue, deux camps. En dernière analyse, ces deux points de vue sont ceux de classes sociales antagonistes ; c'est ce qui permet de comprendre qu'à travers toute l'histoire des sociétés de classes, où se succèdent des formes renouvelées et d'exploitation de classe, une même contradiction soit à l'œuvre dans l'histoire de la philosophie. L'enjeu de cette lutte – lutte matérielle et non conflit entre des idées, qui tend à la domination absolue d'un point de vue sur l'autre – exclut la possibilité d'une « troisième voie » : la contradiction ne peut se résoudre par la synthèse des deux éléments qui la composent. Une telle synthèse, si elle se présente, ne peut être qu'une version camouflée de l'idéalisme, et doit être dénoncée comme telle (ainsi Dühring est-il critiqué par Engels, les empiriocriticistes par Lénine). La lutte philosophique ne connaît pas de compromis : elle représente dans le domaine de la théorie une « position de parti » (cf. Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme, chap. iv).
L'être et la conscience
Le deuxième énoncé du matérialisme consiste à affirmer le primat et l'indépendance du réel par rapport à sa connaissance, de l'être par rapport au pensé : »Le matérialisme admet d'une façon générale que l'être réel objectif (la matière) est indépendant de la conscience, des sensations, de l'expérience humaine. Le matérialisme historique admet que l'existence sociale est indépendante de la conscience sociale de l'humanité. La conscience n'est ici et là que le reflet approximativement exact, adéquat, d'une précision idéale » (Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme, chap. iv). Le monde est matériel, il est la seule réalité : la pensée est elle-même un processus matériel, elle ne se développe pas dans un milieu autonome, elle n'a de sens que par rapport aux autres processus matériels dont elle est, en tant que connaissance, le reflet.
Cela appelle une première remarque : le réel est indépendant de la conscience, il subsiste inaltéré en dehors d'elle. Cela ne signifie pas que le matérialisme dialectique instaure une nouvelle forme de dualisme : d'un côté l'être, de l'autre la conscience. L'indépendance de l'être par rapport à la conscience n'a pas de réciproque : la conscience[...]
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Écrit par
- Étienne BALIBAR : philosophe, professeur à l'université de Paris-I
- Pierre MACHEREY : maître assistant à l'université de Paris-I
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