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MARXISME Les révisions du marxisme

Dans l'histoire du socialisme, le terme « révisionnisme » fait problème. Toute entreprise, avouée ou non, de révision de l'œuvre de Marx n'est pas tenue pour révisionniste : ni Lénine, ni Mao Zedong, ni Castro ne passent pour « révisionnistes ». Dans les débats marxistes, la notion de révisionnisme est souvent confondue avec celle de réformisme ou d'opportunisme. Dans la dernière décennie du xixe siècle, le révisionnisme, en effet, prend son sens dans un contexte précis : il s'agit de la révision du marxisme par les tenants d'une solution réformiste qui permet de faire l'économie de la violence révolutionnaire. Aussi le révisionnisme est-il très vite associé au réformisme social-démocrate, puis, après la révolution d'Octobre, à l'« idéologie officielle de la IIe Internationale ». Pour les bolcheviks orthodoxes, il s'agit donc d'un courant « ouvertement hostile au marxisme ». Insensiblement, la notion, sans perdre sa signification première, se modifie au cours de l'histoire : à partir de 1956, le révisionnisme dit contemporain ou moderne désigne aussi « un courant idéologique surgi à l'intérieur des partis communistes au pouvoir qui éprouvent des difficultés à surmonter les contradictions entre le développement socio-économique et le contrôle centralisé de la dictature » (F. Fejtö, 1973). La querelle culmine avec le conflit sino-soviétique : Khrouchtchev, secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, devient, bien malgré lui, un révisionniste dont le Parti communiste chinois assimile les thèses « aux absurdités des révisionnistes anciens du genre de Bernstein et Kautsky [...], à un opium qui anesthésie le peuple, à une musique consolatrice pour esclaves ». Bref, du début du siècle jusqu'aux années 1970, la guerre idéologique n'a cessé de déborder la querelle théorique, et l'expression de « révisionnisme » a servi aussi d'injure.

Naissance du révisionnisme

Après la mort de Marx, Eduard Bernstein, exécuteur testamentaire d'Engels, procède à la première révision. En 1899, dans Les Présupposés du socialisme, Bernstein propose d'abord une révision des dogmes. Au nom du réalisme, mais aussi au nom de l'idéal : « La social-démocratie aurait besoin d'un Kant pour soumettre au crible de la critique nombre d'idées reçues. Le matérialisme de façade n'est que la plus trompeuse des illusions. La pratique nous a constamment enseigné que l'on ne pouvait impunément mépriser tout idéal en magnifiant les seuls facteurs matériels de l'évolution. » Bernstein prétend donc associer deux démarches non contradictoires : réintroduire dans la pensée socialiste un point de vue humaniste négligé par la dialectique et réévaluer de manière critique, à l'aune de sa propre scientificité, l'héritage de Marx. Le matérialisme dialectique prend le marxisme au piège de l'illusion déterministe et dogmatique. Contre Hegel et Marx, contre tout schéma de la « ruse de la raison », Bernstein prône le retour à une pensée critique qui confronte ses hypothèses à la réalité et reconnaisse l'importance des idées, des valeurs, des idéaux qui ne sauraient se réduire aux purs reflets des conditions matérielles d'existence. Une telle révision théorique implique une critique économique des principales thèses de Marx. Car la « réalité » selon Bernstein apporte, en cette fin du xixe siècle, un démenti cinglant aux hypothèses de Marx concernant l'effondrement du capitalisme : les crises produisent des régulations inédites, la crise finale du capitalisme n'est pas à l'ordre du jour.

Aussi Marx s'est-il trompé sur quelques points essentiels. La notion de valeur travail, par exemple, « ne permet pas plus de mesurer le degré de justice[...]

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Écrit par

  • : assistant au département de science politique de l'université de Paris-I
  • : professeur au département des sciences politiques de l'université de Paris-I

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Nikita Khrouchtchev et Tito, 1963 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Nikita Khrouchtchev et Tito, 1963

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