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MARXISME Les révisions du marxisme

Fascisme, nationalisme :nouveaux enjeux

Il n'est pas certain que les austro-marxistes, avec pour chef de file Otto Bauer, doivent être considérés comme révisionnistes. Ils ne cessent en effet de renvoyer kautskystes et léninistes dos à dos : crétinisme parlementaire contre crétinisme insurrectionnel, fétichisme démocratique contre fétichisme militaire. Cette « internationale deux et demi » prône avant l'heure la pluralité des voies de passage au socialisme. Partisan d'une « révolution lente » et non d'une « grande décision », partisan d'un « socialisme municipal » plutôt que de la dictature du prolétariat, le réformisme de Bauer va de pair avec la défense de l'autonomie culturelle et des diversités nationales : le socialisme ne saurait s'opposer au réveil des «  nations sans histoire ». Mais, au-delà de la question nationale, l'austro-marxisme connaît les ambiguïtés, les contradictions de tout courant social-démocrate face à la double montée du stalinisme et du fascisme. « Révolution lente », « violence défensive », les termes impliquent certes une révision de la doctrine marxiste, mais on refuse qu'ils vaillent adhésion aux principes « bourgeois et parlementaires ». Pour les révisionnistes de l'après-1917, la voie est étroite : avec Bauer comme avec d'autres, il faut soutenir à la fois que la social-démocratie doit prendre le pouvoir « non pour renverser la démocratie mais pour adapter l'appareil d'État aux besoins de la classe ouvrière » et que l'on peut utiliser la violence chaque fois que la bourgeoisie s'oppose à cette « transformation de la société » par cette même classe ouvrière.

Aussi la voie se fait-elle de plus en plus étroite à mesure que s'accentue la montée du fascisme. L'impuissance théorique se double alors des illusions stratégiques que l'on sait : au nom de la démocratie et de la paix, au pire on se trompe d'ennemis, au mieux on attend. La social-démocratie s'enlise et la IIIe Internationale peut développer l'une de ses équations les plus meurtrières en l'identifiant au « social-fascisme ». La cohérence est préservée : hier complice de la bourgeoisie capitaliste chauvine et impérialiste, le révisionnisme a donné naissance aux « ours savants de la social-démocratie » aujourd'hui complices du fascisme. Fascisme et social-démocratie sont « les deux aspects d'un même renforcement de la dictature du capital », et « le fascisme de Brüning n'est pas meilleur que celui d'Hitler ». La stratégie « classe contre classe » repose sur un postulat quasi naturaliste : de par sa nature sociale, la social-démocratie est « traître à la classe ouvrière ». Le reste est affaire de circonstances : qu'il soit d'abord exclu de « défendre la République de Blum » ou que, par la suite, après le tournant du VIIe congrès de l'Internationale communiste (1935), on inaugure les tactiques « frontistes » (du type du Front populaire en France), le soupçon reste de mise. Les sociaux-démocrates le savent et tentent désespérément de se construire une identité spécifique qui ne relève pas de la seule révision ou du seul dépassement du marxisme. Certains l'assumeront en se ralliant à la gestion de l'État-providence pour une transformation sociale par la réforme (le Parti social démocrate allemand officialise sa rupture avec le marxisme à Bad Godesberg en 1959), d'autres tergiversent et maintiennent plus longtemps l'ambiguïté. En revanche, il faut attendre la mort de Staline et le rapport Khrouchtchev pour que le révisionnisme, sous une acception moderne, concerne les partis communistes eux-mêmes.

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Écrit par

  • : assistant au département de science politique de l'université de Paris-I
  • : professeur au département des sciences politiques de l'université de Paris-I

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Nikita Khrouchtchev et Tito, 1963 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Nikita Khrouchtchev et Tito, 1963

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