MIRZAKHANI MARYAM (1977-2017)
Mirzakhani et les espaces de modules des surfaces de Riemann
Les contributions de Mirzakhani se situent aux points de confluence de la géométrie (métrique, différentielle et algébrique) et des systèmes dynamiques. Ils concernent en grande partie l’étude des surfaces de Riemann et plus précisément les espaces de modules de ces surfaces. D’innombrables travaux sur les surfaces de Riemann ont été entrepris depuis le milieu du xixe siècle et la recherche sur ce thème est encore très active.
Une surface est un objet de dimension 2 et il existe plusieurs manières de l’appréhender. Considérons, par exemple, la sphère, objet familier. On l’imagine en général parfaitement ronde, comme le lieu des points de l’espace usuel situés à égale distance (euclidienne) d’un point donné (le centre). Dans ce cas, il est possible de déterminer les lignes de plus court chemin (assujetties à rester sur la surface), appelées lignes géodésiques, que l’on peut inscrire sur la sphère. Pour un topologue, en revanche, un cube est encore une sphère. Le géomètre – lui qui, étymologiquement, sait mesurer les distances, les angles, etc. – dit que la courbure se concentre aux sommets seulement (le long des arêtes, on peut déplier le cube). Le topologue-géomètre considère que l’on peut déformer de manière continue la sphère ronde pour la transformer en un cube, et le géomètre remarque qu’il existe d’infinies possibilités pour aller de l’une à l’autre. Pour une déformation intermédiaire, il est en général impossible de déterminer les géodésiques avec exactitude, comme on peut le faire pour la sphère ronde ou pour le cube. Toutefois, si on se limite à des déformations particulières, on peut espérer, pour chaque déformation intermédiaire, donner des informations intéressantes sur les géodésiques. C’est, pour simplifier, un des principes de base qui régit l’introduction de l’espace de modules, pouvant être vu (grossièrement) comme un espace de déformations de façons de mesurer des distances.
Les déformations interviennent sur d’autres types de surfaces que la sphère (cette dernière n’admet qu’une structure complexe), dites de plus grand genre – ainsi celles de « bouées » avec des emplacements (trous) pour plusieurs personnes. Ces « bouées » auxquelles s’est intéressée Maryam Mirzakhani, avec un nombre de trous g ≥ 2 appelé « genre », admettent des familles de métriques dites hyperboliques, que l’on peut déformer. Ce sont ces déformations sur lesquelles ses travaux se sont concentrés, mêlant des techniques très sophistiquées dans des domaines divers des mathématiques (la géométrie différentielle, la géométrie algébrique, l’analyse complexe, les systèmes dynamiques, etc.). Les lignes géodésiques sur les surfaces de grand genre ont un comportement nettement plus riche que celles sur la sphère ronde, ces dernières étant toutes périodiques ; la plupart visitent « presque toute la surface » en se répartissant uniformément. Par ailleurs, il existe beaucoup de géodésiques périodiques et, parmi elles, beaucoup présentent des auto-intersections – les autres seront dites simples.
Pour un réel L > 0, notons N(L) le nombre de géodésiques périodiques de longueur inférieure ou égale à L et Ns(L) le nombre de celles qui sont simples. Ces deux nombres sont finis pour tout L,mais il est hors de portée de calculer ces fonctions de L, comme il est hors de portée de calculer le nombre D(R) de points à coordonnées entières dans un disque (du plan euclidien) de rayon R en fonction de R : dans un cas comme dans l’autre, on peut chercher à décrire avec le plus de précision possible le comportement de ces fonctions pour les grandes valeurs de L (ou R). Une description assez fine de D(R) – appelée problème du cercle de Gauss – est reliée à l’hypothèse de Riemann qui résiste encore aujourd’hui[...]
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Écrit par
- Jean-Claude PICAUD : mathématicien, université de Tours
Classification
Média
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