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MASCULIN / FÉMININ (F. Héritier)

« Pour quelles raisons l'humanité en son entier a-t-elle développé des systèmes de pensée valorisant le masculin et dévalorisant le féminin, et traduit ces systèmes de pensée en actions et en situations de fait ? » Ou, autrement dit, comment, du constat irréfutable d'une différence, déduit-on une hiérarchie ? Dans Masculin/Féminin II : dissoudre la hiérarchie (Odile Jacob, Paris, 2002), Françoise Héritier poursuit par cette question la réflexion entamée dans Masculin/Féminin. La pensée de la différence (1996), qui l'avait laissée insatisfaite. L'humanité tout entière, affirme-t-elle dans ce deuxième volume, continue de penser et d'agir en fonction d'un système de représentation vieux de plusieurs millénaires, établi par nos lointains ancêtres « à partir des données que leur fournissait leur seul moyen d'observation : les sens ». Étant donné que « le système chromosomique, la combinaison génétique, l'ADN et les empreintes génétiques ne sont connus que depuis fort peu de temps dans l'histoire de l'humanité », son hypothèse est que, depuis l'aube de l'humanité, ce système de représentation repose sur le constat empirique que les femmes avaient cette « capacité exorbitante à produire les enfants des deux sexes, c'est-à-dire à faire non seulement de l'identique mais aussi du différent ». Dépendant d'elles pour faire leurs fils, les hommes doivent à la fois se les « approprier » et « les contenir dans cette fonction ». Françoise Héritier se réfère à Claude Lévi-Strauss, pour qui cette appropriation « découle directement de la prohibition de l'inceste » : considérées comme une « ressource », les femmes servent de monnaie d'échange entre des hommes de groupes différents, fondant ainsi la vie en société. De Napoléon (« la femme est donnée à l'homme pour qu'elle lui donne des fils ») au leader du Front islamique du salut algérien Ali Bel Hadj (« la femme est une reproductrice d'hommes »), les témoignages de cette manière de penser abondent au cours de l'histoire. En réfutant l'idée, reprise notamment par Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe, qu'on ait jamais pu ignorer le rôle du père – ne serait-ce que par l'observation du fait que les vierges n'enfantaient pas –, elle établit que « la procréation n'apparaît pas comme un phénomène où l'homme et la femme interviennent de façon égale, mais comme un phénomène qui émane de la volonté masculine ». La femme est perçue « tantôt [comme] un lieu de passage, tantôt [comme] un simple matériau ». Une conception qui a la vie dure : Françoise Héritier relève ainsi l'ambiguïté de la décision récente qui fait des grossesses forcées, issues de viols commis en temps de guerre, un crime contre l'humanité, car c'est là encore le préjugé des criminels attribuant au masculin la transmission de l'identité « ethnique » de l'enfant qui serait entériné.

« Tout le malheur des femmes est venu de ce qu'elles enfantent aussi ces corps différents du leur. » Par l'« extorsion » qui leur en est faite, le « privilège » de l'enfantement se mue donc en « handicap ». Il justifie une prise de contrôle par les hommes de leur corps et de leur sexualité. On leur attribue, en même temps que la fécondité, son envers : la stérilité, due à un « mauvais vouloir du féminin ». Alors qu'elle cherchait le « levier » qui permettrait de rééquilibrer la situation, Françoise Héritier dit s'être aperçue qu'il était « déjà là » : il s'agit de la contraception, à la fois comme technique et comme droit inscrit dans la loi (en France, en 1967 avec la loi Neuwirth). Accordée presque par erreur, comme une « manière de laisser encore à la seule responsabilité [des femmes][...]

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