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MASQUES Le masque en Afrique

Masque Mahongwe - crédits : P.-A. Ferrazini, Musée Barbier-Müller, Genève

Masque Mahongwe

Le masque en Afrique noire représente, avec la statuaire, un élément important de la création plastique. L'un et l'autre se situent au cœur de la vie socio-religieuse traditionnelle. C'est à la fin du xixe siècle que l'art africain devient largement accessible aux collectionneurs européens et donne aux plus grands artistes, peintres et sculpteurs, confirmation du bien-fondé de leurs recherches et justification de l'utilisation de formes d'expression affranchies du naturalisme figuratif. R. Fry affirme dès 1920 : « Le principal mérite de la sculpture africaine, c'est sa totale liberté plastique... Il semble que le passage d'une surface plane à une ronde-bosse ne leur pose aucun problème. » L'objectif premier de la sculpture africaine n'est pas, en effet, de représenter le monde visible mais de rendre sensibles des réalités d'ordre moral ou surnaturel, c'est un art abstrait par définition ; il ne cherche pas à faire naître la seule émotion esthétique, d'où son pouvoir de fascination.

Une des meilleures définitions du masque africain est sans doute celle de W. Fagg : « Tous les objets auxquels le nom de « masque » doit être attribué peuvent se définir en deux mots : ils masquent. Cela signifie qu'ils cachent ou suppriment l'identité. » Ils masquent au propre et au figuré celui qui les porte afin de l'aider à personnifier une force errante, esprit ou dieu, en la charmant par sa propre image pour mieux la capter et la manœuvrer. La partie sculptée, la plus travaillée, que l'on montre dans les musées n'est qu'un élément du masque, qui consiste, en fait, en un costume complet, qui a un nom propre (il n'existe pratiquement pas de terme générique), et qui est exhibé au cours de cérémonies dont la musique et la danse sont parties intégrantes. Ces cérémonies sont aussi des spectacles, mises en scène des grands problèmes existentiels élaborés à travers des mythologies spécifiques : lutte entre le bien et le mal, mystère des origines, angoisse de la mort. Ces représentations, « mascarades » (W. Fagg, J. Jamin) où jeu et sérieux se mêlent de façon ambiguë avec la complicité du public, ont une fonction cathartique qui, en donnant vie et forme aux angoisses projetées sur l'anonymat du masque, permettent de les exorciser. Ces manifestations ont lieu aux moments cruciaux de la vie sociale, en réponse à tout ce qui constitue un défi à la cohésion et à la survie du groupe, en particulier le mal, la maladie et la mort.

Les masques sont indissolublement associés au savoir et au pouvoir, ils sont entourés du secret qui touche au sacré. En principe apanage des hommes, ils font pendant au pouvoir et au savoir naturels attribués aux femmes du fait de leur fécondité et en marquent les limites. Les sociétés initiatiques dont ils procèdent sont des institutions qui dispensent, dans un contexte ritualisé, la connaissance des lois sociales. Le jeune garçon passe ainsi du stade sexuel indifférencié de l'enfance à celui d'homme adulte, au cours d'un cycle qui peut durer la vie entière. Chaque initié est ainsi placé dans la hiérarchie sociale qui fonde le pouvoir, ce pouvoir étant contrebalancé par celui d'autres sociétés (de juges, de guérisseurs...) moins institutionnalisées et par le pouvoir des Anciens. Elles dispensent un savoir plus spécialisé, qui permet l'expression des pulsions réprimées. Toutes n'utilisent pas de masques, les sociétés féminines entre autres, excepté celle du bundu des Mende (Sierra Leone) et la société initiatique des Bidyogo (Guinée-Bissau) où les jeunes filles tiennent le rôle des jeunes gens décédés.

Morphologie, technologie, styles

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Écrit par

  • : ethnologue, ingénieur au C.N.R.S., attachée au musée de l'Homme

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Médias

Masque Mahongwe - crédits : P.-A. Ferrazini, Musée Barbier-Müller, Genève

Masque Mahongwe

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Masque dogon

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