MASQUES Le masque en Afrique
Peuples des bassins de l'Ogooué et du Congo
Dans cette vaste région stylistique, on trouve des styles très contrastés. Les fameux « masques blancs » des peuples de l'ouest du Gabon (Shira, Pounou, Nzabi, Loumbou) – visages idéalisés de jeunes filles mortes, autrefois comparés aux masques asiatiques avec lesquels on a cru discerner une relation du fait de leurs yeux bridés et de leur raffinement, jugés à tort « non-africains » – évoluent sur des échasses dans les cérémonies de deuil et de divertissement. Les masques blancs des peuples situés plus à l'est (Tsogho, Fang, Vuvi, Kota) sont de facture plus dépouillée. Le blanc, couleur des esprits, peut être associé à d'autres couleurs (noir, rouge, ocre) étalées par plages séparées ou posées par petites touches. Les masques de la société de justice ngil des Fang, aujourd'hui disparue, appelés par certains « masques-planches » du fait de leur extrême dépouillement, ou les heaumes (kota, fang) à deux ou quatre visages, à « ailes » ou « à crête », sont caractéristiques du bassin de l'Ogooué. Ces masques, utilisés par les multiples sociétés et confréries initiatiques dont la plus répandue est celle du bwiti, relèvent d'un schéma stylistique de base, commun à de très nombreux masques d'Afrique centrale (Gabon, Congo, République démocratique du Congo) : un visage d'un ovale plus ou moins achevé, souvent blanchi, doucement concave à partir de l'arc double des sourcils sous lesquels les traits sont parfois à peine esquissés. Les yeux en amande, en relief ou non, sont fendus horizontalement ou en arc. Ainsi se présentent les masques kwélé (Congo), chefs-d'œuvre de grâce et de simplicité. D'un style plus abstrait, les heaumes bembe (est de la République démocratique du Congo), proches des heaumes kota à crête, relèvent du même type de traitement : tout se joue autour de la dépression des yeux qui se referme au niveau des joues, la ligne médiane du nez dédoublant littéralement le visage. Chez les Téké-tsaayi (Congo), le volume disparaît pour faire place au trait et au motif peint : la face est un disque presque plat aux motifs symboliques géométriques polychromes. Cette sobriété contraste avec l'exubérance baroque des heaumes du peuple yaka tout proche et le caractère plus figuratif des heaumes et des masques faciaux, à la face rougie et aux traits soulignés de couleur, des Pende. Plus à l'est, les masques des Kuba sont marqués par l'esprit décoratif, propre aux arts de cour, qui rivalise avec la forme et l'éclipse parfois, et où la virtuosité des motifs peints se conjugue avec celle des décors appliqués de perles, de cauris, de broderie, de bois, de métal et de fourrure. À l'est, les formes abstraites s'affirment : masques kifwebe des Songye, dont les formes s'inscrivent dans un cube, et dont l'expression est puissante, soulignée par des séries de motifs linéaires parallèles gravés et peints : chevrons, rayures, courbes ; ils sont proches par la facture des masques à cornes tetela, dont la décoration est plus complexe, et des masques blancs des Luba, antithèses de leurs masques demi-sphériques plus représentatifs, dont toutes les formes s'inscrivent dans ce même volume. Les Tshokwe, plus au sud (Angola, sud de la République démocratique du Congo), marquent un autre pôle stylistique. Leurs masques sont portés avec des combinaisons de fibres tricotées. Certains sont d'écorce battue ou de tissu, tendus sur une armature, peints de motifs géométriques à valeur symbolique, rouges et blancs sur fond noir ; leur menton est en éventail, et leur immense coiffure « en ailes » se retrouve dans la statuaire. Le masque pwo (c'est-à-dire « femme »), fait de bois légèrement frotté de rouge, à perruque de fibres, les détails du visage soulignés de noir[...]
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Écrit par
- Annie DUPUIS : ethnologue, ingénieur au C.N.R.S., attachée au musée de l'Homme
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