MASQUES Le masque en Amérique
Les plus anciens masques américains connus à ce jour sont des masques de pierre dure qui appartiennent à la civilisation olmèque ( Mexique). Leur antiquité remonterait à environ 1000 ans avant J.-C. Un peu partout sur le continent américain, les archéologues ont ainsi mis au jour des masques en bois, en pierre, en céramique ou en or, parfois en os ou en écaille, qui attestent l'ancestral usage du masque dans l'Amérique précolombienne. Mais la filiation avec les masques actuellement utilisés dans les communautés indigènes d'Amérique est difficile à établir. En effet, le mot masque recouvre sous une même appellation des réalités assez différentes. Les masques qui ont pu être observés et décrits depuis la Conquête par les chroniqueurs européens et, plus récemment, par les ethnologues, sont essentiellement des accessoires de danse. Il n'en était pas de même dans l'Amérique précolombienne où le masque était porteur de valorisations spécifiques.
Le masque dans l'Amérique préhispanique
Jusqu'à la conquête espagnole, la principale vocation du masque en Amérique a été d'ordre funéraire. C'est presque toujours dans des tombes que ce type d'objet a été rencontré.
De Teotihuacán (Mexique central) proviennent des séries de masques célèbres : les formes stéréotypées ont été traitées par les artistes dans la serpentine, la néphrite, le basalte, la jadéite, l'albite, avec parfois des incrustations de nacre ou de pierres fines. Les masques sont massifs et pesants ; leur dos est lisse ; l'intérieur n'est jamais évidé. Les yeux et la bouche sont incisés en creux, mais non perforés : à la commissure des lèvres et des paupières se remarquent deux petits trous : ils servaient à la fixation des yeux et des dents amovibles, qui venaient s'enchâsser dans les cavités, et qui étaient réalisés en matériaux précieux : nacre, jade ou turquoise. Ces « masques », qui ne masquent en réalité rien du tout, servaient apparemment de visages aux paquets funéraires, sous la forme desquels certaines personnes étaient inhumées.
Les documents historiques relatifs aux Aztèques confirment cet usage dans le Mexique ancien. Les Aztèques, qui utilisent principalement la crémation comme mode de sépulture, connaissent néanmoins le masque mortuaire. Avant de brûler le défunt, on le pliait dans des draps, les jambes repliées devant le tronc ; on parait alors le bulto ainsi constitué d'ornements de plumes et de papier, et on couvrait sa face d'un masque de bois. C'est notamment ainsi qu'est représenté le défunt dans le Codex Magliabecchi.
Dans les cultures mésoaméricaines qui ont pratiqué l' inhumation sans crémation, les archéologues ont été amenés à retrouver de nombreux masques funéraires. L'une des découvertes les plus fameuses est peut-être celle de la crypte du temple des Inscriptions à Palenque (Mexique). Cet édifice pyramidal a, en effet, été bâti à la fin du viie siècle de notre ère pour servir de tombeau à un souverain de cette cité maya. La chambre sépulcrale, ouverte en 1952, contenait un sarcophage fermé par une énorme dalle sculptée. Le personnage enterré, un homme d'une quarantaine d'années, avait le visage recouvert d'un masque de plaquettes de jade. Les yeux étaient façonnés en coquillage et en obsidienne. L'ensemble de la mosaïque avait été fixé sur une forme en bois depuis lors tombée en poussière. Des exemples de masques mortuaires en jade sont également connus chez les Mayas de Tikal (Guatemala) ou chez les Zapotèques de Monte Albán (Mexique).
Cette pratique du masque funéraire se retrouve en Amérique du Sud. Dans la vallée de Lambayeque (côte nord du Pérou) ont été exhumés de grands masques d'or appartenant à la culture chimu : martelés sur une forme en bois, ces masques très caractéristiques[...]
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Écrit par
- Christian DUVERGER : maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales
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