MASQUES Le masque en Amérique
Ethnologie du masque en Amérique
Si le masque-instrument de transfiguration n'a apparemment connu qu'une modeste implication rituelle ou festive dans l'univers précolombien, il est, en revanche, largement répandu actuellement dans les communautés indigènes d'Amérique. De l'Alaska à la Terre de Feu, la quasi-totalité des groupes ethniques utilisent des masques lors de fêtes coutumières et traditionnelles. La plus grande variété préside en conséquence aux formes, aux styles et aux fonctions de cet objet éminemment rituel. Sans qu'il soit possible de dresser un quelconque inventaire, on peut néanmoins distinguer dans les masques américains ceux qui sont manifestement d'inspiration européenne et ceux qui ne semblent pas l'être.
Dans la première catégorie, il faut ranger la plupart des masques en usage depuis le xvie siècle dans les différents pays d'Amérique latine. Bien que les conditions de leur introduction soient mal connues, force est de constater que, du Mexique au Pérou, un grand nombre de danses masquées importées par les conquistadores ont rapidement été intégrées aux traditions culturelles des populations autochtones. L'exemple le plus classique est celui de la danse « des maures et des chrétiens » (Moros y cristianos) : évocation d'une page d'histoire strictement ibérique, elle figure néanmoins parmi les danses les plus populaires chez les Indiens du Mexique et du Guatemala ! Dans ce folklore indigène latino-américain, les traits occidentaux sont assez marqués : les masques anthropomorphes sont très souvent moustachus ou barbus à la façon européenne. Les populaires diablitos cornus paraissent sortir tout droit de notre imagerie médiévale. La danse des toritos fait intervenir des masques de taureaux qui n'ont, bien sûr, rien d'autochtone. Et les fameuses « danses de la conquête » mettent en scène de superbes masques de conquistadores à la peau rose et aux cheveux blonds. Les résurgences de thèmes précolombiens se trouvent peut-être dans les masques de vieillards (un texte du chroniqueur Tezozomoc atteste leur existence chez les Aztèques), ou dans certains masques zoomorphes qui semblent s'être substitués aux dépouilles animales utilisées avant la conquête.
Mêmes les impressionnants masques de carnaval boliviens, qui figurent de fantastiques dragons ou de monstrueux félins, semblent être une réinterprétation locale d'une tradition importée par les Espagnols.
En revanche, les masques des tribus nord-américaines et ceux des Indiens d'Amazonie ne paraissent pas originellement tributaires de l'apport occidental.
D'une façon générale, les masques des Indiens de la forêt amazonienne sont éloignés de tout réalisme : à part quelques exemplaires de masques tucuna (nord-ouest du Brésil) qui représentent des animaux sauvages et, depuis les années 1930, des visages humains assez naturalistes, les masques brésiliens sont composés à partir de codes symboliques propres à chaque tribu. Ces caractéristiques emblématiques leur donnent un aspect assez déroutant pour l'œil occidental. Les masques amazoniens sont rarement anthropomorphes et, lorsqu'ils le sont, c'est sous une forme si schématique qu'il est difficile d'y retrouver des traits humains.
Pour la confection des masques, les matériaux dominants sont les fibres végétales et l'écorce, utilisées dans tout le Brésil. Chez les Kamayura du Mato Grosso, les masques sont plats et ovales, faits de fibres tressées et peints selon des motifs d'apparence géométrique ; ils dessinent pourtant un visage stylisé : une bande de couleur horizontale figure les yeux et le nez, une bande médiane verticale, la bouche ; les autres parties ainsi isolées forment le front et les joues. Un manteau de fibres attenant au masque dissimule le torse du danseur masqué. Les Indiens [...]
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Écrit par
- Christian DUVERGER : maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales
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