MASQUES Le masque en Océanie
Pour les Océaniens, le masque ou le travestissement du corps permet souvent de faire parler et agir un esprit ancestral (humain, animal, végétal ou objet personnifié) dans un souci pédagogique, vis-à-vis des plus jeunes, afin d'évoquer l'histoire mythique du groupe. Le masque n'est pas toujours une représentation d'un visage placée devant la face réelle du porteur, il peut se présenter comme un ensemble d'éléments (coiffure, cagoule, chasuble, etc.) recouvrant tout ou partie du corps. Ainsi, pendant le déroulement d'une cérémonie, le masque permet au porteur de s'identifier à un ancêtre ou à un héros mythique et d'affirmer ainsi sa place dans l'organisation sociale. De nombreux types de masques ne sont plus fabriqués aujourd'hui, ils seront donc ici évoqués au passé.
Le masque océanien est intimement associé à la vie religieuse des microsociétés qui peuplent les archipels du Pacifique ; cela explique sa disparition rapide dans les régions christianisées de longue date. Cependant, la fusion demeure étroite entre les Océaniens et leur environnement naturel, et le rôle du masque y est primordial. Pour les peuples océaniens, la croissance des êtres humains va de pair avec celle des animaux, le porc ou le chien par exemple, ou celle des végétaux comme les tubercules alimentaires. Les masques servent alors d'intercesseurs entre les humains et les esprits de leurs ancêtres. Ils ont en outre la charge de veiller au bon fonctionnement de l'ordre social et de faire en sorte que la fertilité des animaux, des végétaux et des êtres humains ne soit pas perturbée, afin que les générations se perpétuent. Aussi sont-ils toujours présents lors des initiations, des funérailles, des commémorations des ancêtres, des plantations et des récoltes.
Les matériaux
Pour la confection de leurs masques, les peuples océaniens ont utilisé les matériaux naturels collectés dans leur environnement immédiat ; des minéraux solides comme le calcaire ou malléables comme l'argile, des matériaux provenant d'animaux, os, dents, coquillages, corail, éponges, plumes, poils, écailles, et des matériaux végétaux les plus divers – bois, écorce, feuilles, fleurs, graines, fibres – avec un goût marqué pour les matières brillantes. Les Océaniens ont su adapter ces matériaux bruts à leurs besoins ; ainsi, ils ont brûlé le corail ou les coquilles de mollusques pour obtenir de la chaux, ils ont déformé les écailles de tortue, écrasé et battu le liber de certaines écorces d'arbre pour le transformer en un tissu, le tapa. Rappelons que les masques que nous admirons dans les musées ne sont le plus souvent que des éléments isolés, car leurs parures complémentaires comme les robes de fibres, réalisées avec des matières végétales périssables, ont disparu.
La décoration d'un masque consistait souvent à envelopper celui-ci de plumes ou de tapa, à le recouvrir d'enduits végétaux ou minéraux, de toiles d'araignée, de coquillages et de dents. Le choix d'une matière précise avait généralement un sens religieux, ainsi à Tahiti la nacre était une matière spécifiquement associée à la mort. Ces liens que les masques établissaient entre les esprits ancestraux et les hommes étaient obtenus par l'intermédiaire des matériaux avec lesquels ils étaient fabriqués. En effet, l'utilisation d'un matériau évoquait souvent une relation privilégiée avec un animal ou un arbre totémique. Dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, les fougères arborescentes représentaient l'origine végétale des clans fondateurs du groupe. L'emploi d'un matériau pouvait ainsi témoigner du rang d'un individu ou d'un groupe pour lequel le rituel était organisé, et certaines matières premières pouvaient donc être réservées à un groupe social précis. Le choix de[...]
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Écrit par
- Christian COIFFIER : maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
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Médias
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