SEPTEMBRE MASSACRES DE (1792)
Rien de plus ambigu que le cri, lancé à Paris, au mois d'août 1792 : « La patrie en danger ! » Le péril est-il à l'intérieur, où de nombreuses perquisitions, chez les prêtres réfractaires, débusquent des agences royalistes et prouvent les complicités épistolaires avec les émigrés ? Est-il à l'extérieur, d'où parviennent de sinistres nouvelles : passage de la frontière du duc de Brunswick à la tête de 80 000 hommes ; capitulation de Longwy, le 22 août ; Verdun menacé ? La Commune d'un Paris surchauffé par l'arrivée des Marseillais suit le conseil de Marat : liquider les « traîtres » que sont ces prêtres réfractaires, déclarés suspects par la loi du 27 mai 1792, et la panique des patriotes cessera.
Dès le 11 août, la chasse commence ; les rafles se multiplient dans les quartiers à forte densité cléricale : Saint-Sulpice et Saint-Germain-des-Prés. Après un interrogatoire sommaire à la section de l'Hôtel de Ville, les suspects, à qui personne ne fait mention du serment, sont jetés pêle-mêle dans des prisons de fortune : 160 aux Carmes de la rue de Vaugirard, 92 au séminaire de Saint-Firmin, d'autres encore à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à la Force, etc. Sur les quelque trois cents prêtres ainsi incarcérés, près de la moitié sont étrangers à la capitale ; on y trouve des séculiers, des religieux et même des assermentés qu'on soupçonne d'incivisme. Aux Carmes, une vie communautaire s'improvise autour du vénérable archevêque d'Arles, au domicile parisien duquel on avait saisi une correspondance compromettante avec ses collègues en émigration. On souffre de la promiscuité, d'une atmosphère rendue irrespirable par la population, de la privation de la messe, d'une attente mystérieusement entretenue par des gardes muets sur le sort éventuel des détenus.
Le samedi 1er septembre, Paris apprend que les Prussiens ont pris Verdun. Un branle-bas de combat, des cris lointains, la garde doublée maintiennent, toute la nuit, en prières les prisonniers. Le dimanche, en début d'après-midi, le tocsin sonne à Saint-Sulpice ; les sections siègent en permanence ; elles recueillent les enrôlements des citoyens, enflammés par la défense des frontières. Sur un ordre, dont on n'établira jamais la source (Danton, alors ministre de la Justice ?), les septembriseurs surprennent, aux Carmes, les prisonniers à la promenade : on les refoule dans l'étroit couloir, et le commissaire Violet leur crie : « Allons, Messieurs, deux à deux !... » C'est ainsi qu'ils franchissent le petit escalier du jardin, sans autre forme de procès : les égorgeurs se livrent à une ignoble boucherie et à des sévices raffinés. On parle de deux cents prêtres massacrés dans les autres prisons où la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. C'est à l'Abbaye que Maillard, dans la soirée du 2, installe une parodie de tribunal : des 284 prisonniers (clercs et laïcs), tous ceux qui déclarent refuser le serment sont massacrés jusqu'à l'aube. Le 3, à Saint-Firmin, la tuerie est encore plus confuse.
Aussi confuse que la foule d'hommes et de femmes qui pille, tue, vole et viole les jeunes prisonnières de la Salpêtrière, dont certaines ont moins de douze ans ; hébétés par le sang et par le vin, ils ne s'arrêteront que le 5 septembre, au milieu d'horreurs ; la mutilation de la jolie princesse de Lamballe n'est peut-être pas la pire. Le bataillon des Marseillais, parfois mis en cause par des témoins, a sauvé, au contraire, des prêtres et des compatriotes.
Alors qui est responsable ? Pourquoi cette hystérie collective d'autant plus troublante qu'elle se répète à Meaux, à Provins et ailleurs ? Le procès des septembriseurs, commencé peu après, n'apporte aucun éclaircissement satisfaisant, et toutes les hypothèses[...]
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Écrit par
- Bernard PLONGERON : docteur ès lettres et docteur en théologie, professeur à l'Institut catholique de Paris
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