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MASSE CACHÉE ou MASSE MANQUANTE ou MATIÈRE NOIRE

Les astrophysiciens sont persuadés que la plupart des objets cosmiques – essentiellement les galaxies –, et l'Univers entier, sont emplis de grandes quantités d'une substance dont ils ne connaissent ni la nature ni la distribution, mais qui gouverne pourtant leur dynamique, et même celle du cosmos. La présence de cette matière inconnue, qui reste invisible car elle n'émet ni n'absorbe aucun rayonnement, pose une énigme qui reste sans solution depuis les années 1930.

Cette idée s'est imposée à la suite de l'observation de divers objets astronomiques dont l'évolution et la dynamique sont gouvernées par les lois de la gravitation : des groupes d'étoiles, des galaxies, des amas de galaxies, et l'Univers lui-même. Que se passe-t-il, par exemple, dans le système solaire ? Sa masse est dominée par celle du Soleil, dont l'attraction détermine les orbites des planètes. Si le Soleil n'était pas là, rien ne retiendrait celles-ci sur leurs orbites et elles s'échapperaient tout droit dans le cosmos. De ce fait, les caractéristiques de ces orbites manifestent la présence du Soleil et permettent d'estimer sa masse. Cette masse, bien entendu, n'est pas invisible mais, si le Soleil était sombre, seule l'analyse des orbites planétaires nous révélerait sa présence au centre du système. Très exactement, l'application des lois de Newton nous permettrait d'évaluer sa masse à partir des distances des planètes et de leurs vitesses sur leurs orbites. C'est à une situation similaire que sont confrontés les astronomes à propos des galaxies ou des amas de galaxies.

Les galaxies spirales

L' argument le plus convaincant en faveur de l'existence d'une masse cachée provient de l'analyse dynamique des galaxies spirales. Celles-ci apparaissent sous forme de disques lumineux réunissant des dizaines de milliards d'étoiles qui y dessinent des bras spiraux (qui donnent leurs noms à ces systèmes). Elles sont également remplies de gaz, principalement de l'hydrogène, que l'on observe par son émission radio à la longueur d'onde de 21 centimètres. Les étoiles et le gaz du disque tournent autour du centre, un peu comme les planètes autour du Soleil. C'est l'attraction gravitationnelle non pas d'un objet central, mais de la galaxie dans son ensemble qui s'exerce sur chacune des étoiles ou des atomes d'hydrogène. Comme on pourrait le faire dans le système solaire, l'analyse de ces mouvements de rotation permet d'estimer la masse contenue dans la galaxie, somme des masses de tous les objets – étoiles, gaz, ou autre chose – qui la constituent.

Pour effectuer cette analyse, les astronomes traduisent leurs mesures sous la forme d'une courbe de rotation qui exprime comment la vitesse de rotation V(r) varie avec r, la distance au centre de la galaxie. L'application simple des lois de la dynamique newtonienne conduit à prédire que cette vitesse varie comme (G.M(r)/r)1/2, où G est la constante de la gravitation et M la masse de la galaxie contenue à l'intérieur du rayon r. D'après les masses des étoiles et du gaz observés, la vitesse de rotation attendue, s'il n'existe aucun autre objet massif dans la galaxie, devrait décroître en fonction de la distance, selon la même loi – dite képlérienne – que dans le système solaire.

Or il n'en est rien : les vitesses mesurées ne diminuent pas avec la distance ; elles restent constantes, donnant une courbe de rotation « plate », ou même diminuent. Cela reste vrai qu'il s'agisse des vitesses des étoiles (observées par leur rayonnement visible) ou de celles des atomes de gaz (observés par leur émission radio). Ces dernières sont cependant plus probantes, car le gaz s'étend beaucoup plus loin du centre de la galaxie que les étoiles visibles. Sa vitesse de rotation,[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École nationale supérieure de la rue d'Ulm, docteur en physique, directeur de recherche émérite au CNRS

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