MASSE CACHÉE ou MASSE MANQUANTE ou MATIÈRE NOIRE
Implications cosmologiques
Dans les galaxies spirales comme dans les amas, les analyses suggèrent donc de manière très convaincante la présence de grandes quantités de masse cachée. Aucun résultat observationnel ne contredisant cette idée, il semble légitime d'estimer cette présence comme bien établie, en quantités dépassant d'un facteur dix au moins celle de la masse visible.
Bien entendu, cette question a des implications cosmologiques. La dynamique de l'Univers, supposé homogène et isotrope, est aujourd'hui décrite par les modèles de big bang (qui reposent sur la théorie de la relativité générale). Elle dépend de la densité moyenne de l'Univers : plus il y a de masse cachée, plus la densité cosmique est élevée. Les cosmologistes ont introduit le concept de densité critique : selon que la densité moyenne de l'Univers est supérieure ou inférieure à celle-ci (voisine de 2.10—29 g/cm3), la géométrie et la dynamique de l'Univers sont différentes. Autrement dit, tout dépend de la quantité Ω, définie comme le rapport entre la densité de l'Univers et cette valeur critique.
La masse visible de l'Univers, c'est-à-dire la contribution de tous les objets que nous observons, conduit à une valeur de Ω inférieure à 0,01. Mais, si nous tenons compte des quantités de masse cachée déduites des analyses précédentes, nous arrivons à une valeur de Ω comprise entre 0,1 et 0,3. Par ailleurs, les modèles de big bang « standard » ne sont conformes aux observations des abondances chimiques des éléments légers que si la valeur de Ω (sous forme de baryons) est comprise entre 0,015 et 0,16. Cette contrainte provient du fait que, selon ces modèles, ces abondances résultent d'une phase très ancienne de nucléosynthèse primordiale. On peut déjà remarquer que la limite inférieure implique elle aussi, par un nouveau raisonnement, la présence de masse cachée. Elle nous indique également que cette masse cachée doit être composée de baryons, c'est-à-dire des particules qui constituent ordinairement la matière. Il en émerge la vision d'un Univers dominé par de la masse cachée sous forme baryonique, contribuant à Ω de l'ordre de 0,15 ; cette vision est cohérente, et compatible avec tous les résultats d'observation.
Cependant, quelques autres suggestions ont été proposées. Par exemple, que l'Univers pourrait contenir, en plus de la matière « ordinaire », une contribution importante à sa densité d'énergie (selon la relativité générale, énergie et masse sont deux moyens d'exprimer la même grandeur) sous forme d'une espèce de particule encore inconnue, ou bien sous la forme de ce que l'on appelle une constante cosmologique. Une telle composante additionnelle apporterait une contribution déterminante, peut-être dominante, à la masse cachée. Il est cependant important de garder à l'esprit que, contrairement aux raisonnements précédents, il n'existe aucun argument vraiment convaincant en faveur de cette hypothèse, qui est, tout au plus, vraisemblable. Une telle composante hypothétique, non baryonique, n'intervient pas de la même manière au cours de la nucléosynthèse primordiale, si bien que la contrainte évoquée plus haut ne s'applique pas à elle. En séparant les deux contributions sous la forme : Ω = Ω baryonique + Ω non baryonique, on peut écrire : 0,015 < Ω baryonique < 0,16,
mais nous n'avons pas de limite solide sur Ω non baryonique, qui peut atteindre ou même dépasser la valeur 1 (sans que cela supprime la nécessité d'une masse cachée baryonique).
La possibilité d'une masse cachée sous forme non baryonique, abondamment discutée dans les années 1980 et 1990, semblait pouvoir apporter une solution à un problème qui reste encore sans réponse, celui de la formation des galaxies.[...]
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Écrit par
- Marc LACHIÈZE-REY : ancien élève de l'École nationale supérieure de la rue d'Ulm, docteur en physique, directeur de recherche émérite au CNRS
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