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MASSE CACHÉE ou MASSE MANQUANTE ou MATIÈRE NOIRE

La nature de la masse cachée

Les analyses dynamiques ne nous apprennent pas de quoi est faite la masse cachée. Une composante baryonique, pour rester indétectée, ne doit ni absorber ni émettre de rayonnement électromagnétique. Cela exclut les formes ordinaires d'étoiles, de gaz, de poussière (dont il aurait fallu d'énormes quantités pour rendre compte de la masse cachée). Il a été suggéré que l'Univers pourrait être rempli de minuscules boules d'hydrogène gelé, mais celles-ci ne pourraient subsister longtemps sans être sublimées par les différents rayonnements peuplant l'Univers.

Finalement, les astronomes ont retenu aujourd'hui deux possibilités : d'anciennes étoiles, ayant vécu il y a des milliards d'années, auraient pu laisser des restes massifs, aujourd'hui refroidis et obscurs (naines blanches, étoiles à neutrons ou trous noirs). Mais ces étoiles n'ont pas pu être très nombreuses, sans quoi elles auraient produit, par leurs réactions nucléaires, davantage d'éléments lourds que ce que nous détectons aujourd'hui. Il ne peut non plus s'agir d'objets trop massifs, car nous aurions détecté l'influence de quelques-uns de ceux-ci dans notre voisinage. Il n'est pas exclu qu'il puisse s'agir de trous noirs massifs – entre mille et un million de masses solaires. Mais on comprend mal comment ils se seraient formés.

L'autre hypothèse, plus vraisemblable, fait appel à une population d'objets intermédiaires entre étoiles et planètes : des « presque étoiles » qui n'auraient jamais atteint une température suffisante pour que s'amorcent les réactions nucléaires caractérisant une véritable étoile. De tels objets, baptisés « naines brunes », auraient pu se former en abondance. Les planètes extrasolaires rentrent dans la même catégorie.

Des naines brunes ont effectivement été détectées, notamment grâce à plusieurs projets de cartographie du ciel avec des instruments sensibles aux sources infrarouges : citons le projet européen Denis (Deep Near Infrared Survey of the Southern Sky), le projet américain 2MASS (Two Micron All-Sky Survey), le projet international SDSS (Sloan Digital Sky Survey), le télescope spatial américain Wise (Wide-Field Infrared Survey Explorer) d’observation dans l’infrarouge, lancé le 14 décembre 2009.

Une partie de la masse cachée pourrait également se présenter sous la forme de particules non baryoniques encore jamais détectées. Malgré l'absence d'argument convaincant en faveur de cette hypothèse, les suggestions n'ont pas manqué. L'hypothèse d'un neutrino électronique massif (quelques dizaines d'électronvolts), la première à avoir été proposée, semble aujourd'hui écartée. Peut-être un autre type de neutrino (muonique ou tauonique) possède-t-il une masse qui lui confère un rôle cosmologique ; nous aurons cependant du mal à les détecter. Parmi les multiples autres suggestions, citons les « axions », dont l'existence est postulée mais non prouvée, dans le cadre de la théorie des interactions fortes. Si leurs masses – a priori arbitraires – étaient comprises entre 10—5 et 10—3 électronvolt, ils pourraient jouer un rôle important.

Bien souvent, les candidats sont même conçus hors du contexte de la physique, et leurs propriétés imaginées du seul point de vue de leurs conséquences astrophysiques. On parle par exemple de masse cachée « chaude », « tiède » ou « froide » (une classification qui provient des modèles de formation des galaxies), de « cosmions », de « cosminos », de W.I.M.P. (Weakly Interacting Massive Particles)... La règle du jeu est d'essayer de faire correspondre à un profil « idéal » cosmologique, construit de toutes pièces, celui d'une particule qui rentrerait dans le cadre de telle ou telle variante d'une théorie de physique des particules.[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École nationale supérieure de la rue d'Ulm, docteur en physique, directeur de recherche émérite au CNRS

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