MASSE, physique
Masse et interactions
Nous savons que la matière est composée d'atomes, eux-mêmes composés d'électrons et d'un noyau constitué de particules plus fondamentales : les quarks et gluons, qui forment les nucléons, regroupés dans le noyau.
L'affirmation que la masse d'un corps quelconque est fournie par celle de ses constituants, même en tenant compte pour être plus précis du défaut de masse évoqué plus haut, semble complètement contredite au niveau le plus élémentaire. Comprendre les masses des particules est un des grands défis de la physique du xxie siècle.
En effet, dans la physique quantique des particules et des interactions fondamentales, la notion de masse présente plusieurs aspects des plus intéressants. Rappelons tout d'abord qu'une interaction entre deux particules est comprise, dans le formalisme de la théorie quantique des champs, comme l'échange entre elles de particules médiatrices. Par exemple, deux électrons peuvent « rebondir » l'un sur l'autre en échangeant un ou plusieurs photons. Les particules médiatrices de l'interaction électromagnétique sont ici les photons (cf. physique quantique). S'ils sont animés de grande énergie et s'approchent très près l'un de l'autre, les deux électrons peuvent aussi échanger des bosons Z0, messagers de l'interaction nucléaire faible, dont l'intensité est inférieure et la portée moindre que l'interaction électromagnétique. Ces particules intermédiaires sont dites « virtuelles » ; leur existence éphémère, entre leur émission et leur absorption, ne peut dépasser, sous peine de violer la loi de conservation de l'énergie, une durée Δt liée, par l'inégalité de Heisenberg, à la dispersion en énergie DE ⪆ mc2 nécessaire pour assurer leur apparition :
où ℏ est la constante de Planck. Une action physique ne pouvant se propager à une vitesse supérieure à la vitesse limite c, l'interaction médiatisée par ces particules virtuelles le quanton ne saurait agir à une distance supérieure à cΔt. En conséquence, la portée a d'une interaction est liée à la masse m du quanton qui la transmet par :Ce raisonnement explique pourquoi la portée de l'interaction nucléaire faible est minuscule : le boson Z0 a une masse élevée (près de 200 000 fois supérieure à celle de l'électron), tandis que la portée de l'électromagnétisme est infinie puisque la masse du photon est nulle. En appliquant ce raisonnement aux réactions entre nucléons (protons et neutrons), le physicien japonais Hideki Yukawa put prévoir en 1935 l'existence et la masse des mésons π, responsables présumés des interactions nucléaires fortes. Cette explication simple ne survit cependant pas à la vision moderne des interactions fortes, dans laquelle quarks et gluons sont les champs élémentaires (cf. interactions [physique]). Or les gluons ont une masse nulle et les quarks une masse très faible, et la portée de l'interaction forte est pourtant très courte, de l'ordre de la taille du proton, soit un femtomètre. Des effets subtils interdisent en effet qu'on lie de façon simple la masse d'une particule à la portée de l'interaction qu'elle peut véhiculer.
Pour cerner les difficultés rencontrées dans la compréhension de la masse, présentons brièvement les problèmes cruciaux qui attirent actuellement l'attention des physiciens.
On sait que les particules élémentaires se partagent en deux classes aux propriétés très distinctes : les bosons et les fermions. Les bosons ont un spin entier, c'est-à-dire multiple de la quantité fondamentale h/2π où h est la constante de Planck, tandis que le spin des fermions est égal à la moitié de cette valeur. Le boson le mieux connu est le photon, dont la masse est nulle avec une très grande précision expérimentale ;[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Marc LÉVY-LEBLOND : professeur émérite à l'université de Nice
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Autres références
-
MASSE (notions de base)
- Écrit par Bernard PIRE
- 1 633 mots
- 1 média
La notion de masse est liée à la quantité de matière contenue dans un corps. La physique newtonienne la définit comme le coefficient d'inertie reliant l'intensité d'une force appliquée à l'accélération d'un mouvement mais aussi comme caractérisant la réponse gravitationnelle...
-
DÉCOUVERTE DES EXOPLANÈTES
- Écrit par James LEQUEUX
- 666 mots
La première exoplanète, c’est-à-dire gravitant autour d'une étoile autre que le Soleil, est découverte en 1995 par Michel Mayor et Didier Queloz, de l'Observatoire de Genève, qui présentent les résultats de leurs observations le 6 octobre 1995, lors d'un congrès scientifique à Florence,...
-
PARTICULES ÉLÉMENTAIRES
- Écrit par Maurice JACOB et Bernard PIRE
- 8 172 mots
- 12 médias
...constituant élémentaire par un ensemble de propriétés. On cherche pour cela le maximum de propriétés intrinsèques, soit indépendantes de tout système de référence particulier. Ce n'est manifestement pas le cas de la position ou de l'énergie d'une particule, mais c'est le cas de sa masse et de son spin. -
HADRONS
- Écrit par Bernard PIRE
- 4 223 mots
- 2 médias
...hadrons voit sa population réduite de moitié. Les relations d'incertitude d'Heisenberg conduisent à associer à la vie moyenne d'un hadron une indétermination sur la valeur de sa masse : on dit que le hadron a une « largeur » exprimée en unité d'énergie inversement proportionnelle à sa vie moyenne... -
ANDROMÈDE GALAXIE D'
- Écrit par Bernard PIRE
- 1 140 mots
- 1 média
La galaxie d’Andromède, dont le nom scientifique est M31 (M désigne le catalogue établi en 1764 par l’astronome français Charles Messier), est la galaxie la plus proche de notre propre galaxie, la Voie lactée. Avec la Voie lactée, la galaxie du Triangle (M33) et une trentaine de galaxies...
- Afficher les 66 références