MASSIN ET LE LIVRE : LA TYPOGRAPHIE EN JEU (exposition)
L'École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris (ENSAD) a inauguré sa galerie d'exposition, du 2 février au 24 mars 2007, par un hommage à Massin, un artiste reconnu internationalement dans le domaine du design éditorial. Roxane Jubert et Margo Rouard-Snowman, commissaires et auteurs du catalogue présentent le graphiste, typographe, journaliste, éditeur et auteur de nombreux ouvrages. Massin est un « pionnier dans une approche espiègle de la typographie contemporaine », écrit Steven Heller dans la Préface du catalogue Massin et le livre : La typographie en jeu (2007). Dans le même temps paraît chez Phaidon, un Massin qui est à la fois une monographie et une présentation magistrale de l'œuvre, et le résultat de cinq années de travail avec l'artiste par Laetitia Wolff, spécialiste américaine en design et graphisme. Ces deux ouvrages – bilingues anglais-français –, remarquablement illustrés, retracent le parcours étonnant de créativité de Massin et ses contributions à la culture typographique et éditoriale.
Robert Massin (1925-2020), né d'une mère institutrice et d'un père graveur-sculpteur, a baigné très tôt dans un univers de livres et d'images. Il occupe différents emplois – journaliste, secrétaire de Tristan Bernard –, puis entre comme rédacteur en chef au Club français du livre en 1948, où il apprend la typographie sur le tas. Les créations graphiques révolutionnaires de son directeur artistique Pierre Faucheux le passionnent par leur traitement de l'écriture à la manière d'un document iconographique, une voie résolument innovante où se lit l'influence du Bauhaus, du futurisme ou de dada. Passé directeur artistique au Club du meilleur livre en 1952, il réalise ses premières maquettes avant de rejoindre Gallimard de 1958 à 1979. Son parcours ultérieur est associé à nombre d'éditeurs où s'imprimera sa signature graphique (Hachette, Denoël, Albin Michel, Balland, Julliard, Hoëbeke, La Nuée bleue…).
Dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, un vif intérêt se manifeste pour le livre et, parallèlement, pour le développement du livre de poche. Les éditeurs soutiennent alors une recherche d'originalité créative via différents clubs. Parmi bien d'autres titres, L'Or de Blaise Cendrars (1956) révèle le goût de Massin pour les documents anciens, les affiches, les calendriers, etc. Il tire un effet étonnant d'un titre étalé sur les deux plats d'une couverture reliée sur toile multicolore. Cette période fourmille d'invention sans limites, à la recherche de tous les matériaux, de tous les moyens d'expression au service du livre. Ubu roi ou les Polonais d'Alfred Jarry (1958) est tiré en noir sur du papier de boucherie taché de rouge sang, avec des illustrations d'André François. En 1961, Cent Mille Milliards de poèmes de Raymond Queneau (Gallimard) concrétise un projet fondé sur la lecture infinie d'un poème, dont chaque vers est porté par une languette mobile. Massin poursuit cette recherche ludique avec Exercices de style (1963, Gallimard), l'ouvrage étant augmenté, pour cette deuxième édition, de variations graphiques réalisées par Carelman. Fondée sur la recherche des variations, cette collaboration avec Queneau a été une puissante source de renouvellement pour Massin, qui réalise là une première œuvre de typographie expressive, bientôt suivie de nombreuses autres, dont l'emblématique réalisation de La Cantatrice chauve d'Eugène Ionesco (avec le photographe Henry Cohen, Gallimard, 1964), puis Les Mariés de la tour Eiffel de Jean Cocteau (Hoëbecke, 1991).
En 1970, Massin reçoit le prix des graphistes pour La lettre et l'image. La figuration dans l'alphabet latin du VIIIe siècle à nos jours (Gallimard), un ouvrage aux multiples illustrations toujours[...]
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Écrit par
- Nelly FEUERHAHN : chercheuse honoraire au CNRS
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