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MASSORE & TEXTE MASSORÉTIQUE

Le mot hébreu masorah, francisé en « Massore », a ses racines dans l'Ancien Testament (Nomb., xxxi, 16) avec le verbe mâsar (« transmettre » ou « enseigner »). Le sens technique de « tradition » (des Écritures) qu'il prendra chez les juifs ne paraît pas antérieur à la Mishna. La massore est en effet, d'une part, l'activité spécifique des personnalités compétentes — les Ba‘alê ha-Masoret, « maîtres de la massore » — qui, du viie au xe siècle de notre ère, assurèrent, en Palestine et en Babylonie, la fixation définitive des écrits sacrés en langue hébraïque ou araméenne, d'autre part, les indices graphiques résultant de cette stabilisation, devenue péremptoire, des Écritures. Le texte ainsi défini et transmis fut appelé et s'appelle encore « Texte massorétique ».

La massore écrite comprend deux éléments : en premier lieu, des notes marginales (par exemple, la correction, qui reçut le nom de qerê, « à lire », d'un mot marqué dans le texte d'un cercle ou d'un astérisque et que l'on appelle ketib, « écrit ») et des annotations terminales. Le second élément consiste en des signes intratextuels, qui sont de deux sortes : d'une part, tout un système de points-voyelles dont on dota les lettres hébraïques (qui, comme dans les autres langues sémitiques, n'étaient que des consonnes) et grâce auquel on supprimait l'ambiguïté de sens à laquelle prêtait l'écriture purement consonantique (lu dâbâr, dbr signifie « parole », mais « peste » si on le vocalise dêbêr) ; d'autre part, des accents, destinés eux aussi à uniformiser dans la lecture le découpage rythmique et donc la compréhension des textes.

L'histoire massorétique ne fut pas uniforme : elle connut des tâtonnements et même des conflits. La ville de Tibériade se distingua, si bien que, contrairement à ce qui s'était passé pour le Talmud, la Massore qui l'emporta et survécut est palestinienne. Deux familles massorétiques de Tibériade nous sont connues : celle des ben Nephtali et celle des ben Asher. La Massore des ben Asher, qui constituèrent une véritable dynastie de massorètes, fut officiellement consacrée par les autorités rabbiniques (et par Maïmonide notamment), ce qui lui vaut d'être aujourd'hui la seule existante. Un exemplaire du texte des ben Asher, datant de 950 environ, fut conservé à Alep jusqu'à sa destruction par le feu en 1949. Une bonne copie du xe siècle en existait heureusement à Leningrad ; c'est elle que P. Kahle avait adoptée comme texte de base pour la troisième édition (1937) de la Biblia hebraica de Kittel. Jusqu'aux découvertes sensationnelles du désert de Juda ou de Qumrān, les manuscrits hébraïques les plus anciens venaient de ces éminents massorètes que furent les ben Asher. Véritables « protestants » du judaïsme, les karaïtes eurent un rôle déterminant dans l'évolution et l'achèvement de la Massore juive. Tenants de la seule « Torah écrite » et rejetant la « Torah orale », ils considéraient la fixation du texte de la Bible comme étant essentielle. Il est quasi établi de nos jours que les ben Asher étaient karaïtes.

La sélection, du moins de fait, par le judaïsme, d'un texte massorétique est en quelque sorte l'équivalent de la constitution d'une « vulgate » biblique. Mais, de plus, le souci de préserver les saintes Écritures dans leur intégrité textuelle et, conjointement et par voie de conséquence, celui d'étudier leur langue et sa grammaire ne sont pas sans similitudes avec le travail des Indiens par rapport aux Veda et au sanskrit et celui des Arabes par rapport au Coran et à sa langue. La langue ayant valeur « canonique » par sa solidarité organique avec le texte fixé, son étude systématique ne pouvait être que nécessaire à l'établissement[...]

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