MATÉRIAU PRIMITIF TERRESTRE
Les profondeurs de la Terre cachent des mystères encore insondables, et la chimie du manteau « inférieur », entre 660 et 2 900 kilomètres, reste très mal connue. Les indices apportés par de rares diamants de très haute pression suggèrent une composition différente de celle du manteau supérieur. Les compositions isotopiques de l'hélium de laves de « points chauds » montrent également que celles-ci proviennent de roches n'ayant pas dégazé depuis la formation de la Terre, et de différentes roches du manteau supérieur qui est, lui, largement dégazé. La tomographie sismique révèle de son côté des anomalies de vitesse des ondes qui confirment une composition chimique hétérogène. Mais la géophysique seule ne permet pas de comprendre cette hétérogénéité car on ne peut pas séparer les contributions respectives de la température et de la chimie (teneur en fer notamment)... Dans une étude récente, des chercheurs ont testé l'hypothèse selon laquelle les profondeurs du manteau sont denses car enrichies en fer. En modélisant numériquement la convection « thermochimique » qui se développe dans ce système, ils montrent qu'il se forme au fond du manteau des îlots de matériau dense et stable, non entraîné dans le mouvement général de convection. Les vitesses des ondes sismiques, calculées pour ces îlots denses et chauds, correspondent aux mesures. De plus, des panaches thermiques se forment au sommet de ces îlots, et entraînent une petite partie du matériau vers la surface. Lors de sa fusion, cette matière primitive libère son hélium et donne une signature isotopique « non dégazée » aux laves de points chauds. La convection thermochimique permet ainsi d'expliquer l'ensemble des données, et montre que le manteau de la Terre conserve en profondeur les traces de son histoire la plus primitive.
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Écrit par
- Édouard KAMINSKI : professeur des Universités, Institut de physique du globe de Paris, volcanologue
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