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MATHÉMATIQUES (DIDACTIQUE DES)

Le contrat didactique

Enseignant et enseignés se mettent en jeu dans la relation didactique selon des règles qui fonctionnent comme les clauses d'un contrat. Cependant, ces règles n'ont rien d'explicite, elles se révèlent essentiellement dans la transgression. Le contrat didactique est l'ensemble des conditions qui déterminent implicitement ce que chaque partenaire, l'enseignant et l'enseigné, a la responsabilité de gérer et dont il est comptable devant l'autre.

Examinons de ce point de vue la structure d'enseignement la plus couramment proposée en mathématiques : la structure cours/exercices. Le travail de reconstruction personnelle du savoir y est laissé à l'élève sous sa propre responsabilité. Ce travail est trop lourd et angoissant pour beaucoup d'élèves. Alors s'opère une négociation implicite entre l'enseignant et l'élève, établissant les rôles de chacun, et dont l'un des objectifs est d'aider l'élève à assumer sa charge en la réduisant à des actions qu'il peut maîtriser. L'enseignant, comme l'écrit Y. Chevallard, remplit son contrat en donnant des leçons à apprendre et des exercices à faire. Il doit prévoir dans son cours des parties que l'élève puisse apprendre. Il doit lui donner des problèmes faisables (dont l'énoncé prévoit toutes les données nécessaires et seulement celles-là, dont la solution est possible à trouver en combinant raisonnablement des éléments de cours à apprendre). L'élève remplit son contrat s'il apprend ses leçons (bien ou mal), et s'il fait ses exercices (justes ou faux). Si l'élève ne comprend pas ou ne sait pas faire, l'enseignant doit « l'aider ». Celui-ci va le faire en orientant le travail de l'élève, par exemple au moyen d'indices qui lèveront son incertitude ou par de petites questions intermédiaires élémentaires le menant au résultat.

Une autre fonction du contrat, note Y. Chevallard, est de faire évoluer les significations des contenus. Par exemple, à l'école primaire une multiplication d'entiers est un véritable enjeu ; plus tard, il n'en est plus de même. Le contrat didactique enregistre le « vieillissement » des contenus enseignés et par là même intervient dans la progression du savoir. Le contrat évolue par une suite de petites ruptures.

Mais c'est surtout à l'occasion de fortes ruptures que le contrat se révèle, comme le montre une expérience réalisée auprès d'élèves de l'école primaire, par l'I.R.E.M. de Grenoble : « Quel est l'âge du capitaine ? » Les élèves (7-11 ans) ont à répondre à des problèmes « absurdes » (« il y a 7 rangées de 4 tables dans la classe, quel est l'âge de la maîtresse ? »...) et à dire ce qu'ils pensent de l'énoncé. Un grand nombre d'élèves (toutefois décroissant quand l'âge augmente) ont donné des réponses en utilisant les nombres figurant dans l'énoncé (« la maîtresse a 28 ans »). Cela signifie-t-il que les élèves sont « illogiques » ou que le système d'enseignement lui-même est stupide au point de leur apprendre à répondre de façon stéréotypée à n'importe quoi ? Le reproche que l'on fait ici aux élèves est de ne s'être pas posé le problème de la pertinence des données au regard de la question posée. Malheureusement, cette question n'est pas dans le contrat. A priori, le problème est faisable et l'élève n'a pas le choix de la stratégie.

Dans la structure activités-institutionnalisation-exercices, le contrat est complètement différent. L'enseignant prend appui sur les activités des élèves, sur leurs productions personnelles et collectives pour faire progresser le savoir de tous. Le problème n'est pas nécessairement faisable : on peut ne pas savoir s'il existe[...]

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Écrit par

  • : maître assistant en mathématiques (I.R.E.M.), université de Paris-VII

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Enseignement des mathématiques, N. Berline - crédits : Encyclopædia Universalis France

Enseignement des mathématiques, N. Berline