KASSOVITZ MATHIEU (1968- )
Né en 1968, Mathieu Kassovitz est le fils du réalisateur de télévision Peter Kassovitz. Comédien, il effectue quelques travaux scénaristiques puis, à vingt-cinq ans, écrit, interprète et met en scène Métisse (1993) où Lola hésite entre ses deux amants (le blanc et le noir) comme Nola dans She'sGotta Have It, premier long-métrage de Spike Lee auquel il est aussitôt comparé. Le trio français a du rythme, de la jeunesse et un sens plaisant des réalités, mais Métisse est un peu rapidement catalogué « film d'acteur », d'autant plus que le réalisateur semble vouloir poursuivre dans cette voie et reçoit l'année suivante l'oscar du meilleur espoir masculin pour son interprétation de Regarde les hommes tomber (Jacques Audiard).
La surprise au festival de Cannes 1995 est donc totale : La Haine obtient le prix de la mise en scène et devient très vite le film « culte » sur les banlieues, suivant les pas du Beur, du Noir et du Juif dans le no man's land sauvage d'une cité après l'émeute. Leur amitié mettra quelques éclats de rire dans le drame, mais ne saurait effacer l'impression que tous trois courent au désastre et que le pire est encore à venir après le premier mort sur lequel se clôt le film. Kassovitz filme d'abord ses héros aux pieds des barres d'immeubles où ils se sentent chez eux, ensuite à Paris où leur système se dérègle, la ville étant filmée en équipe réduite et en son mono, la cité en stéréo et avec de larges mouvements d'appareils qui inversent les partis pris esthétiques attendus et maintiennent l'allure d'une chronique soulignée par le marquage horaire à l'écran. En fait le « malaise des banlieues » est ici mis en évidence par l'hésitation de la forme qui fait de La Haine une réussite cinématographique inclassable, tour à tour apologue exemplaire, constat réaliste, film humaniste de gauche ou brûlot anarchiste.
Par ailleurs toujours acteur, Mathieu Kassovitz n'aura-t-il été l'auteur que d'un seul grand film ? On peut le craindre. Assassin(s) (1997) caricature le schéma classique du polar à traves le périple d'un vieux tueur à gage grimaçant et de son jeune successeur niais (Michel Serrault et Mathieu Kassovitz lui-même). Le film ne trouve vraiment son rythme que dans la dernière partie, avec l'apparition de Mehdi, un gosse de quatorze ans qui vire au tueur fou. Au cours des Rivières pourpres (2001), deux policiers (Jean Reno et Vincent Cassel) et deux enquêtes se rejoignent dans une histoire quasi fantastique faite d'eugénisme, de sectes fascisantes et de crimes affreux. Nuit, pluie, glaciers et avalanches dotent le scénario, qui sait jouer de l'excès, d'une dimension cosmique au filmage souvent réussi mais que le cinéaste mine systématiquement en recourant à un humour qui rappelle les séries télévisées (le combat de kung-fu, l'intervention des gendarmes). Visiblement le réalisateur ne sait pas quel type de cinéma choisir. Loin de révéler un style et un univers personnels, Gothika, tourné aux États-Unis en 2003, n'est qu'un thriller de série B saupoudré d'une pincée de surnaturel. Mathieu Kassovitz réalise ensuite L’Ordre et la Morale (2011), dans lequel il donne sa version (controversée) du drame qui eut lieu en 1988 à Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie.
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Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
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CASSEL VINCENT (1966- )
- Écrit par René PRÉDAL
- 710 mots
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Les cinéphiles découvrent Vincent Cassel dans le rôle de Vinz, un des protagonistes du trio de La Haine de Mathieu Kassovitz (prix de la mise en scène au festival de Cannes en 1995). Le film est une plongée au plus vif des banlieues au lendemain d'une nuit d'émeute. Au côté du beur – Saïd – et du...