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KÉRÉKOU MATHIEU (1933-2015)

Mathieu Kérékou - crédits : E. C. Ahounou/ AFP photo

Mathieu Kérékou

Mathieu Kérékou est une figure centrale de la vie politique du Bénin, dont il fut le chef de l’État pendant près de trois décennies, d’abord à la tête d’un État autoritaire, puis comme président démocratiquement élu d’un régime devenu pluraliste.

Celui qui fut au cœur des luttes de pouvoir pendant près de cinquante ans est vraisemblablement né en 1933 dans le nord-ouest du pays, alors colonie française du Dahomey, dans la région de l’Atakora, vaste zone peu développée et marginalisée du fait de son éloignement des centres du pouvoir colonial. Né d’un père inconnu, il passe les premières années de sa vie avec sa famille maternelle dans le village de Kouarfa. Son enfance est rurale et modeste, mais, à l’âge de dix ans, il entre à l’école régionale de Natitingou, seule école primaire de toute la région. C’est à cette époque que celui qui s’appelle Chaad est baptisé sous le prénom catholique de Mathieu. Engagé volontaire au sein des enfants de troupe, il suit une longue formation militaire qui l’amène en dehors du Dahomey. En 1958, il parachève ce parcours à l’École de formation des officiers de Fréjus en France. Il rentre au Dahomey en 1961, quelques mois après l’accession du pays à l’ indépendance. Il intègre alors l’armée nationale et devient l’aide de camp du premier président de la République, Hubert Maga.

Durant une décennie, Mathieu Kérékou se trouve aux premières loges pour observer la succession de coups d’État et de changements constitutionnels qui affectent le Dahomey. Il est même actif dans le coup d’État de décembre 1967. Mais c’est le 26 octobre 1972 qu’il fait son entrée sur le devant de la scène, en participant au renversement du Conseil présidentiel.

Le capitaine Kérékou, faisant partie du groupe des officiers putschistes qui s’empare du pouvoir, est désigné pour en être le chef de file. Propulsé ainsi aux avant-postes, il devient le nouvel homme fort du pays. Le 30 novembre 1972, c’est lui qui prononce le discours-programme, aux accents nationalistes et anti-impérialistes, vécu comme l’événement fondateur du régime militaire. Le choix du marxisme-léninisme est officialisé le 30 novembre 1974 et, l’année suivante, le pays est rebaptisé République populaire du Bénin, tandis qu’un parti unique est mis en place, le Parti de la révolution populaire du Bénin (P.R.P.B.). C’est un régime militaire et autoritaire qui se déploie : restriction des libertés, suspension du pluralisme politique ou syndical, arrestation d’opposants. Les premières années sont marquées par des réorientations économiques (nationalisation) et diplomatiques (ouverture aux pays du bloc communiste, notamment la Chine). Mathieu Kérékou, devenu général, ne coupera cependant jamais les ponts avec l’Occident, même après la tentative de renversement de son régime par des mercenaires en janvier 1977.

Les années 1980 voient une lente ouverture du régime qui se démilitarise et, confronté à des difficultés économiques, le Bénin met en place un programme d’ajustement structurel. Le régime apparaît cependant à bout de souffle et la contestation populaire s’accroît à la fin de la décennie. En 1989, alors que les manifestations s’amplifient, Mathieu Kérékou est même la cible de jets de pierres à Cotonou.

Après avoir autorisé l’organisation d’une conférence nationale qui se proclame souveraine en février 1990, il en accepte les résolutions qui entraînent de facto la fin de son régime et ouvrent une période de transition. Il demeure à son poste de chef de l’État jusqu’à l’élection présidentielle de mars 1991, à l’issue de laquelle il est largement battu par Nicéphore Soglo.

Commence alors pour celui qui se convertit à cette époque au christianisme évangélique une traversée du désert durant laquelle il s’astreint à ne pas intervenir publiquement. Mais, au début[...]

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Écrit par

  • : chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde, Sciences Po Bordeaux

Classification

Média

Mathieu Kérékou - crédits : E. C. Ahounou/ AFP photo

Mathieu Kérékou

Autres références

  • BÉNIN

    • Écrit par et
    • 8 280 mots
    • 2 médias
    ...rompant avec les deux traits caractéristiques de la période précédente : l'hégémonie politique des « évolués » et l'instabilité institutionnelle chronique. Le régime instauré par Kérékou inaugura une longue période (17 ans) de stabilité relative, au cours de laquelle de nouvelles élites civiles et militaires...