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MONNIER MATHILDE (1959- )

L'expérimentation des espaces dansés

La fin des années 1990 marque chez Mathilde Monnier un tournant décisif. Attachée à repenser les missions qu'elle a définies à la tête du C.C.N. de Montpellier, elle décide d'activer un double mouvement en direction de la recherche et de l'expérimentation, et vis-à-vis du public. Après la dissolution de sa compagnie, sa proposition de Potlatch, dérives, pour le festival Montpellier Danse en 2000, donne au C.C.N. la dimension d'une immense « fabrique » – notion inspirée par la Factory, célèbre atelier d’artistes ouvert par Andy Warhol en 1964. Des débats, des performances, des ateliers de réflexion, ainsi que la participation active de spectateurs, mais aussi de philosophes, d'anthropologues et d'architectes, s'y succèdent pour évoquer la question du don et de la dette. Ouverte en 1998, la formation ex.e.r.ce qu’elle a lancée s'adresse à des artistes venus de tous les horizons et pas seulement de la danse (cette mission aboutira en 2011 à l'ouverture d'un master danse en lien avec l'université Paul-Valéry de Montpellier). Commencent aussi, à partir de 2000, des « hors-séries » consacrés à la présentation de travaux élaborés par des artistes invités en résidence au C.C.N. de Montpellier.

Parallèlement, l'activité chorégraphique de Mathilde Monnier se diversifie en autant de projets novateurs : Signé, signés (2001), relecture érotique du style de Merce Cunningham ; Allitérations (2002), conférence dansée en compagnie du philosophe Jean-Luc Nancy et du compositeur eRikm ; Déroutes (2002), inspirée du Lenz de Büchner, tragédie déployant une vision mélancolique de la présence au monde.

Mathilde Monnier expérimente aussi dans ses œuvres des rapports diversifiés à des musiques différentes : le rock rageur de PJ Harvey dans Publique (2004), pièce uniquement dansée par des filles ; l'intelligence douce-amère de Philippe Katerine dans 2008 vallée (2008) ; les accents métronomiques de György Ligeti pour Tempo 76 (2007) et les paysages sonores de Luc Ferrari pour TwinParadox(2012). Pour cet opéra hors norme qu’est SurrogateCities d'Heiner Goebbels, Mathilde Monnier a inventé un ballet avec des interprètes appartenant à différentes générations (création à Berlin en 2008).

À partir du milieu des années 2000, plusieurs des œuvres de Mathilde Monnier, dont certaines sont présentées au festival d'Avignon, laissent dessiner un penchant nettement autobiographique. Tel est le cas de  Frère & sœur (2005), puis de La Place du singe (2005) avec Christine Angot, du duo burlesque de Gustavia (2008), avec La Ribot, et de Qu'est-ce qui nous arrive ? (2013), spectacle conçu avec des amateurs et le dessinateur François Olislaeger, qui édite cette même année une bande dessinée où la chorégraphe se livre ouvertement.

Deux pièces constituent une sorte d’art poétique. Il s’agit, d’une part, de Pavlova 3'23'' (2009) qui est un spectacle-performance conçu comme autant de variations autour de La Mort du cygne, sur une musique originale de Rodolphe Burger, eRikm, Heiner Goebbels, Olivier Renouf et Gilles Sivilotto. D’autre part, Soapéra (2010), en collaboration avec le plasticien Dominique Figarella, confronte les interprètes à une forme blanche indéfinissable et en mouvement, les enjoignant à improviser en temps réel les mouvements et leurs rapports à l'espace.

Le 27 novembre 2013, Mathilde Monnier est nommée directrice du Centre national de la danse à Pantin. C’est le couronnement d'une carrière dévolue à la création, à l'expérimentation et à la découverte de talents prometteurs. En relation avec le Théâtre national de Chaillot, elle continue de lancer des passerelles en direction des spectateurs, des professionnels et des amateurs de danse.

— Lise OTT

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Écrit par

  • : professeure de lettres, critique d'art, membre de l'Association internationale des critiques d'art

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