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MATIÈRE ET MATÉRIAUX. DE QUOI EST FAIT LE MONDE ? (dir. É. Guyon)

À partir du moment où la matière est destinée à une utilisation précise, on parle de matériaux. Mais comment raconter cette matière qui sous des aspects si divers accompagne le quotidien de chacun d'entre nous, pour s'alimenter, se loger ou s'habiller, mais aussi aller à la rencontre des autres hommes ou exprimer sa sensibilité artistique ? Dans une entreprise ambitieuse, une équipe de chercheurs, travaillant dans des domaines différents mais animés du même souci pédagogique interdisciplinaire, proposent dans Matière et matériaux. De quoi est fait le monde ? (éditions Belin-Pour la Science, 2010) de brosser le tableau de la connaissance scientifique actuelle de cette matière. Le physicien Étienne Guyon, assisté d'Alice Pedregosa et de Béatrice Salviat, respectivement physicienne et biologiste chargées de mission à l'Académie des sciences, a coordonné l'écriture de ce livre qui s'est inspiré de nombreuses fiches pédagogiques préparées lors d'une expérimentation d'enseignement intégré de science et de technologie.

Si, au niveau élémentaire, la matière est d'abord le domaine de la physique, il importe de souligner que la chimie, la géologie, la biologie et l'agronomie apportent leurs éclairages spécifiques issus de traditions scientifiques distinctes et s'associent pour démêler la complexité des assemblages moléculaires et atomiques. Une démarche très interdisciplinaire s'impose donc si l'on veut rendre intelligible la façon dont la nature et les hommes façonnent la matière afin de la rendre apte à de multiples usages.

L'exemple de ce que les auteurs appellent la « matière à vêtir » est parlant. L'objet central est alors la fibre, dont le prototype est une longue chaîne moléculaire de polymères d'origine animale ou végétale. La fibre synthétique est souvent « bio-inspirée » : la cellulose naturelle des fibres de bois a donné naissance à la viscose, baptisée rayonne pour son utilisation dans l'habillement. Les nylons inventés en 1935 sont un premier exemple de fibre plastique ; les polyamides ne sont pas les seules molécules intéressantes pour cet usage, les polyesters et les kevlars présentant des caractéristiques différentes. De la fibre au tissu, et du tissu au vêtement, d'autres connaissances scientifiques doivent être acquises si l'on veut comprendre les enjeux du défi que représente la fabrication d'un vêtement de qualité : mise en forme, teinture, imperméabilisation, résistance au froid, confort au toucher et jusqu'au traitement des salissures. Que l'on pense par exemple à ce que signifie la « douceur » d'un tissu, qualité qui oblige à s'interroger sur la physiologie du toucher, ou le plissage d'un vêtement où apparaissent les mécanismes de flambement qui déforment poutres et piliers d'une construction. Les mécanismes mis en jeu dans le repassage ne sont d'ailleurs pas tous élucidés et restent l'objet de recherches actives.

Les auteurs privilégient une approche qui rappelle les « leçons de choses » par lesquelles les instituteurs de « la communale » initiaient aux sciences les enfants dont ils avaient la charge. Cet esprit – mis de côté pendant plusieurs décennies à la faveur d'une approche beaucoup plus abstraite – a été remis à l'honneur par des initiatives dont la plus connue, La main à la pâte, fut parrainée par le Prix Nobel Georges Charpak à partir de 1996. La plus grande partie des droits d'auteur de ce livre sera d'ailleurs versée au fonds géré par l'Académie des sciences et destiné à soutenir la mise en œuvre de cette action dans les écoles primaires.

On ne cherchera donc pas dans ce livre la description d'une difficile descente au cœur de la matière, cette vertigineuse plongée dans le monde subatomique où [...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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