MATIÈRE (physique) États de la matière
La division classique des états de la matière
À partir du moment où les pères de la thermodynamique étudient de façon systématique les propriétés de la matière dans des conditions maîtrisées et contrôlables de température et de pression, un ensemble immense de connaissances précises se met en place. Les mêmes machines thermiques permettent de liquéfier, solidifier et vaporiser les corps purs. Ces machines ont leur origine dans les célèbres hémisphères de Magdebourg, de l'Allemand Otto von Guericke (1602-1686), première expérience sur le vide, consistant à écarter des hémisphères tirés chacun par un attelage de huit chevaux. Dans la foulée de ces spectaculaires démonstrations, les premières machines pneumatiques et thermiques apparaissent : Boyle, Denis Papin (1647-vers 1712) en sont les créateurs. Pascal (1623-1662) explique simplement les effets de la pression, Réaumur (1683-1757) invente le thermomètre.
Au tournant du xviiie et du xixe siècle, l'essor de l'industrie fondée sur la production d'un travail mécanique accompagnant un changement d'état de la matière (la machine à vapeur, par exemple, mais aussi le moteur à explosion...) oblige à comprendre le lien entre travail mécanique, chaleur et état de la matière : c'est la naissance des concepts centraux d'énergie et d'entropie. L'utilisation conjointe de machines thermiques et de corps purs permet de clarifier les principes de la thermodynamique, jusque-là obscurcis par des expériences mal maîtrisées sur des corps inhomogènes. La thermodynamique prend son essor au xixe siècle ; la classification des états de la matière, dorénavant clairement identifiés, l'accompagne. En effet, les variations de propriétés de la matière introduite dans les machines thermiques peuvent être analysées à l'aide de diagrammes et de courbes donnant la densité (par exemple) du corps en fonction de grandeurs qualifiées de thermodynamiques comme la température et la pression, qui sont reconnues comme les seules variables pertinentes. Ces diagrammes reçoivent le nom de diagrammes d'état. Dans un point d'un tel diagramme, c'est-à-dire dans certaines conditions physiques bien fixées, les nécessaires lois de conservation de la matière et de l'énergie autorisent qu'un corps, effectivement, se trouve à l'état soit solide, soit liquide, soit gazeux. Des domaines de paramètres distincts séparent des régions où les propriétés de la matière sont caractéristiques d'un état donné. Ainsi, au-dessous d'une certaine pression, la matière est très peu dense : c'est le gaz. Au-dessus d'une certaine pression, la matière devient beaucoup plus dense : c'est le liquide ou le solide. On observe qu'il existe des zones précises de paramètres, frontières entre les domaines d'état, où l'équilibre est possible entre états de la matière différents (on parle de différentes phases). Ainsi, un liquide et sa vapeur coexistent le long d'une ligne de paramètres appelée courbe de rosée. Donc, l'eau liquide peut être en équilibre avec l'eau vapeur, c'est l'exemple bien connu de la soupe chaude qui « fume », ou de la brume sur l'étang ; le liquide et le solide peuvent coexister, c'est le glaçon trempant dans l'eau. Trois états, et trois seulement, apparaissent dans les diagrammes thermodynamiques d'un corps pur : solide, liquide, vapeur. Ils se distinguent par des propriétés différentes, qui changent brutalement au cours de changement d'état accompagnant la variation de certains paramètres. Ainsi, la vapeur d'un corps, si elle est comprimée, finit par se liquéfier : tout en restant à la même température, la densité augmente considérablement (d'un facteur 10 000, par exemple). Un corps liquide se solidifie lorsqu'on le refroidit : au point[...]
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Écrit par
- Vincent FLEURY : chargé de recherche au C.N.R.S., laboratoire de physique de la matière condensée, École polytechnique, Palaiseau
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