MATIÈRE (physique) Transitions de phase
Les premières transitions de phase observées ont été des changements d'état tels que la fusion de la glace ou la vaporisation de l'eau. Lors d'un changement d'état, le système, au sens de la thermodynamique, se présente comme la réunion de deux sous-systèmes homogènes possédant des propriétés distinctes. On appelle phase chacun de ces sous-systèmes. Plus précisément, une phase est une partie homogène, physiquement distincte, séparée des autres parties du système par une surface définie.
La phase sous laquelle un système se présente est déterminée par la connaissance d'un certain ensemble de paramètres : température, pression, champ électrique ou magnétique, etc. Si, pour diverses valeurs de ces paramètres, le système peut se présenter sous des phases différentes, il est possible d'observer le passage d'une phase à l'autre en modifiant continûment la valeur des paramètres. Dans ce cas, on dit qu'il y a changement de phase, ou transition de phase.
On distingue deux types de transitions : celles pour lesquelles, au point dit de transition, les deux phases, en présence l'une de l'autre, sont en équilibre, et celles pour lesquelles, au même point, on passe continûment d'une phase à l'autre, sans que les deux phases soient jamais en équilibre en présence l'une de l'autre. La fusion et la vaporisation sont des transitions du premier type. La grande majorité des transitions magnétiques, quelques transitions ordre-désordre dans les alliages et les transitions superfluide et supraconductrice sont du second type. Les transitions de phase du premier type s'accompagnent toujours d'une discontinuité de l'entropie, ce qui se traduit par l'existence d'une chaleur latente de transformation. Les transitions de phase du second type sont sans chaleur latente, mais présentent, en général, une anomalie de la chaleur spécifique au point de transition. P. Ehrenfest proposa, en 1933, d'appeler transitions du premier ordre les transitions s'accompagnant de discontinuités dans les grandeurs physiques, comme l'entropie, qui sont reliées à des dérivées premières de l'énergie libre, et transitions du second ordre les transitions s'accompagnant de discontinuités dans les grandeurs physiques, comme la chaleur spécifique, qui sont reliées à des dérivées secondes de l'énergie libre, les dérivées premières étant continues.
Une notion très féconde pour classer les transitions fut introduite, en 1937, par L. D. Landau. Ce physicien remarqua que le passage d'une phase à l'autre, lors d'une transition du second ordre, s'accompagnait d'un changement de symétrie, auquel il associa la notion de paramètre d'ordre. Cette grandeur, de caractère extensif, est nulle dans la phase la plus symétrique et non nulle dans l'autre. Ainsi, lors d'une transition paramagnétique-ferromagnétique, le paramètre d'ordre est l'aimantation, qui est nulle dans la phase paramagnétique et non nulle dans la phase ferromagnétique. La première, qui est isotrope, est plus symétrique que la phase ferromagnétique ; dans cette dernière, il existe une direction privilégiée.
La théorie proposée par Landau est plus qu'une simple classification. À partir d'hypothèses qui semblent naturelles, telles que l'énoncé analytique de l'énergie libre, elle permet de déterminer le comportement, au voisinage du point de transition, de diverses grandeurs thermodynamiques telles que le paramètre d'ordre, la susceptibilité, ou encore la chaleur spécifique. La théorie de la supraconductivité, dont on ignorait alors le mécanisme, que donnent, en 1950, L. D. Landau et V. L. Ginzburg est remarquable : elle postule que le paramètre d'ordre, caractérisant la transition à l'état supraconducteur, est un champ scalaire[...]
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Écrit par
- Nino BOCCARA : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris, professeur à l'université de l'Illinois à Chicago
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