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MATIÈRE (physique) Transitions de phase

Phénomènes critiques

Après 1960, les très nombreux travaux consacrés à l'étude des phénomènes critiques ont révélé l'existence de ressemblances frappantes dans le comportement de systèmes physiques très différents. L'essentiel à retenir des résultats expérimentaux obtenus est que les comportements du paramètre d'ordre, de la capacité thermique massique et de la susceptibilité relatives au paramètre d'ordre sont, sauf dans le cas des supraconducteurs, très différents des comportements prévus par la théorie de Landau. Cela met en évidence le rôle fondamental des fluctuations du paramètre d'ordre.

Les exposants critiques

Afin d'étudier le comportement des grandeurs physiques singulières au voisinage d'un point de transition du deuxième ordre, on a pris l'habitude de les représenter par une puissance de |T0 — T|. Chaque grandeur est ainsi caractérisée par un exposant critique. Si h désigne le paramètre intensif conjugué du paramètre d'ordre, suivant une nomenclature introduite par M. E. Fisher, on pose, pour la capacité thermique massique à h constant, respectivement si T > T0 et si T < T0 :

pour le paramètre d'ordre, si h = 0 :
pour la susceptibilité isotherme relative au paramètre d'ordre, respectivement pour T > T0 et pour T < T0 :

Ces divers exposants ne sont pas indépendants. On a, par exemple, l'inégalité (G. S. Rushbrooke) :

qui est une conséquence immédiate de la relation thermodynamique :
simple transposition de la formule classique donnant Cp — Cv. En 1963, J. W. Essam et M. E. Fisher ont suggéré que l'inégalité devait en fait être une égalité.

Bernard Widom réussit à établir cette relation en formulant l'hypothèse qu'au voisinage d'un point de transition du deuxième ordre la partie singulière de l'énergie libre (c'est-à-dire celle qui détermine les exposants critiques) est donnée par :

La partie singulière de l'énergie libre est donc une fonction homogène généralisée de l'écart de température T — T0 et du paramètre d'ordre η. Elle ne dépend que de deux exposants α et β, choisis de façon à ce qu'ils coïncident avec les exposants critiques de même nom. La relation d'Essam et Fisher s'obtient en dérivant deux fois F en η. En effet :

Or :
d'où :

L'hypothèse d'homogénéité de F(T ; η) a permis à Widom d'établir d'autres relations, par exemple,

Ces résultats ont suscité un grand nombre de travaux. En particulier, les physiciens ont étudié systématiquement différents modèles et, grâce au développement de l'informatique, ils ont réussi à déterminer leur comportement critique.

Les différents modèles

La théorie rigoureuse d'une transition particulière, dans le cadre de la mécanique statistique, soulève d'énormes difficultés mathématiques. Ces difficultés ont incité les théoriciens des phénomènes critiques à imaginer des modèles suffisamment simples pour faciliter les calculs. Citons :

– Les solutions solides binaires avec interactions limitées aux premiers voisins.

– Le modèle de fluide de Yang et Lee. Ces derniers supposent que les atomes d'un type donné ne peuvent occuper dans l'espace que les nœuds d'un réseau. La densité est proportionnelle au nombre de sites occupés et, l'énergie de configuration étant seule prise en compte, l'énergie cinétique est ignorée. Malgré son caractère assez grossier, ce modèle permet de rendre compte de la transition liquide-gaz de façon qualitativement satisfaisante.

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris, professeur à l'université de l'Illinois à Chicago

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