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GHYKA MATILA C. (1881-1965)

Issu d'une famille d'aristocrates roumains, Matila Ghyka mena une vie cosmopolite, se laissant solliciter par l'aventure et dévorer par l'action, avant de se consacrer à son œuvre de philosophe touchant le pythagorisme, l'esthétique, la sémantique et la science sacrée des nombres. Ingénieur, après de brillantes études à Paris, docteur en droit à Bruxelles, officier de marine, diplomate, professeur d'université aux États-Unis où, dans sa jeunesse, il s'était engagé comme manœuvre dans une usine de New York, Ghyka se livre à un vagabondage raffiné, en quête de tout ce qui peut nourrir sa curiosité : l'ethnologie, la religion, la linguistique et les beaux-arts, comme la cuisine et la mode. Son autobiographie, Couleur du monde (2 vol., 1955-1956) est le kaléidoscope de cette vie bien remplie sous toutes les latitudes, en compagnie de princes et de savants, mais dans laquelle les rencontres et les amitiés littéraires occupent une place prépondérante. Il connaît de très près Paul Valéry, Léon-Paul Fargue, Paul Morand, Lucien Fabre, André Beucler ; il rencontre dans un petit port roumain Pierre Loti et Claude Farrère et, à Paris, il s'entretient avec Alfred Jarry et Marcel Proust, Salvador Dalí et Gustave Le Bon.

L'autobiographie alimente aussi son seul roman, Pluie d'étoiles (1933). Moraliste jovial et esthète averti, l'auteur promène ses personnages dans le décor baroque d'une Europe en pleine mutation. Une véritable encyclopédie du savoir se laisse cerner par le rêve et le souvenir, par la volupté d'initier et par une légère mélancolie devant l'écoulement du temps.

Mais Matila Ghyka est avant tout un philosophe de l'art. Son premier livre, Esthétique des proportions dans la nature et dans les arts (1927), suscite un intérêt particulier parce qu'il y aborde en mathématicien des problèmes monopolisés le plus souvent par les tenants d'un ésotérisme douteux. S'appuyant sur les travaux de Theodore Cook, Jay Hambidge et F.-M. Lund, Ghyka réalise une sorte de « mémento de géométrie esthétique » afin de prouver que « toute harmonie peut s'exprimer ou se symboliser par des nombres, et, inversement, des nombres et des notations mathématiques qui traduisent leurs relations se dégage souvent une harmonie rythmée ». Pour lui la proportion qui régit la beauté, c'est la fameuse « section d'or », baptisée ainsi par Léonard de Vinci (approximativement 1/1,618). L'auteur retrouve cet « invariant » partout où s'harmonisent les forces et les formes : dans les proportions des plus beaux cristaux, végétaux et animaux ainsi que dans les monuments de toute l'Europe méditerranéenne, depuis ceux des Égyptiens et des Grecs jusqu'aux églises gothiques.

Les thèses de l'Esthétique des proportions seront reprises et complétées dans Le Nombre d'or (1931) qui comporte une lettre-préface de Paul Valéry ; cet ouvrage est considéré comme une somme de la pensée de Ghyka. Il part de la théorie d'Ernst Mössel sur les tracés architecturaux égyptiens, grecs et gothiques, et voit dans le pentagramme le signe géométrique du nombre d'or, l'emblème de l'harmonie pythagoricienne ; il le retrouve non seulement dans l'architecture mais aussi dans la magie, dans la kabbale et dans quelques sociétés secrètes. Matila Ghyka concentre également son attention sur les rythmes selon Pius Servien, mais il insiste davantage sur la transmission du pythagorisme par une « chaîne dorée », autant dans les arts (Platon, Vitruve, Léonard de Vinci, Le Corbusier et les cubistes) que dans les mathématiques (Nicomaque de Gérase, Pacioli, Kepler, Russell, Einstein). Pour lui, l'aventure spirituelle de l'Occident demeurerait incompréhensible sans cet héritage secret. Le Nombre d'or sera complété, à son[...]

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